Zimbabwe : l’opposition cèdera-t-elle à la pression ?


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A l’approche du scrutin présidentiel, la situation de crise au Zimbabwe perdure. Déterminé à conserver le pouvoir à tout prix, le régime de Robert Mugabe multiplie les exactions à l’encontre du MDC. Las, son leader Morgan Tsvangirai, envisagerait d’abandonner la partie. La communauté internationale tente d’impulser un dialogue diplomatique pour résorber la crise et assurer aux élections un déroulement normal.

J-9. Plus le scrutin décisif du 2ème tour des présidentielles au Zimbabwe se rapproche, plus la pression qui pèse sur l’opposition se fait forte. Méthodiquement, Robert Mugabe, le chef de l’Etat, au pouvoir depuis 28 ans, à la tête du parti Zanu-PF, annihile les chances de l’opposition de mener à bien sa campagne. A tel point que Morgan Tsvangirai, le leader du MDC (Mouvement pour le Changement Démocratique), semblait prêt, vendredi, à se retirer de la course.

L’opposition perpétuellement menacée

Nelson Chamisa, son porte-parole, a qualifié le scrutin prévu le 27 juin de « mascarade », et a expliqué que Morgan Tsvangirai ne voulait pas risquer plus longtemps la vie et la sécurité de ses partisans. Jeudi, le numéro 2 du parti, Tendaï Biti, a été inculpé par le tribunal d’Harare pour « subversion », « complot », « publication de fausses nouvelles » et « insultes au président ». Ces chefs d’accusation, cumulés, lui font encourir la peine de mort. Il devra attendre le 7 juillet pour être jugé. Le chef de l’opposition a, lui, été arrêté à cinq reprises ces dernières semaines sous des prétextes divers, l’empêchant pendant ce temps de mener campagne.

Le parti du président Mugabe multiplie les exactions à l’encontre des membres du MDC et des ses partisans. La femme du maire de Harare, la capitale gagnée à la cause du MDC, a été retrouvée morte mercredi dans un hôpital, tandis que 12 corps torturés viennent d’être découverts sans vie. Non-identifiés, il ne fait pas de doute pour Nelson Chamisa qu’il s’agit de soutiens du parti. Déjà en début de semaine, 5 corps de partisans du MDC avaient été identifiés. Le porte-parole fait état d’un lourd bilan parmi ses rangs depuis le début de cette campagne de terreur menée par le gouvernement. La série d’intimidations, de déplacements de population, d’arrestations et d’exécutions auraient causé l’hospitalisation de 3 000 personnes, la mort de 70, alors que 200 sont encore portées disparues.

La communauté internationale s’insurge de loin

Face à l’escalade de la violence, la communauté internationale, qui a d’abord timidement réagi, hausse le ton. L’UE a menacé vendredi, lors d’un sommet à Bruxelles, d’user de sanctions supplémentaires envers le régime présidentiel. En 2002, des sanctions avaient été instaurées en réponse aux actes de violence perpétrés dans le pays. Renforcées en 2007, ces mesures concernent l’embargo sur les armes, l’interdiction de visas pour l’Europe et le gel des avoirs pour certains hauts responsables du Zimbabwe dont Robert Mugabe et son épouse.
Néanmoins, ces sanctions n’ont jamais porté leurs fruits. Le président a pu se rendre, début juin, au sommet de la FAO à Rome, en obtenant une dérogation pour séjourner dans l’UE. Le texte adopté à Bruxelles fait état de doutes quant au bon déroulement du scrutin de vendredi prochain : « Un deuxième tour qui se déroule de manière libre et régulière est essentiel au règlement de la crise actuelle. Les Zimbabwéens devraient pouvoir choisir leur avenir librement, ce qui ouvrira la voie à la restauration de la stabilité politique dans le pays ». L’Europe déplore le refus de Robert Mugabe d’accueillir des observateurs européens et regrette l’interdiction d’exercer qui frappe les ONG présentes dans le pays. Début juin, les associations humanitaires avaient été accusées de « faire de la politique » et leurs accréditations avaient été suspendues. Or, dans le pays, plus de 4 millions de Zimbabwéens bénéficient de l’aide humanitaire.

La SADC (Communauté de Développement de l’Afrique Australe), jusqu’ici restée très discrète, s’est réunie mardi. Les 14 pays ont décidé de l’envoi de 380 observateurs pour superviser les élections. Le lendemain, Thabo Mbeki, le président d’Afrique du Sud a tenté une nouvelle médiation pour faire entendre raison aux deux adversaires. Il aurait proposé d’annuler le second tour et de former un gouvernement d’union, ce qu’a démenti par le porte-parole du MDC.

Lors d’une réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU mercredi, Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat américaine aux Affaires Etrangères, a tenté d’attirer l’attention internationale et de susciter une réaction de l’Afrique pour faire pression sur Robert Mugabe. Quant à Ban Ki-Moon, le secrétaire général des Nations-Unies, il avait déjà déclaré, lundi, que « l’environnement au Zimbabwe n’est pas propice à la tenue d’élections crédibles».

Le président du Zimbabwe a déclaré la semaine dernière que « De son] vivant, jamais l’opposition ne gouvernera le pays », brandissant même [la menace d’une guerre en cas d’échec aux présidentielles. Le 29 mars dernier, son adversaire lui a imposé une lourde défaite aux élections générales. Morgan Tsvangirai s’est assuré la majorité aux législatives. Les résultats des présidentielles, eux, ont mis longtemps à être divulgués par le pouvoir. L’opposition s’est déclaréevictorieuse au premier tour mais un second lui a été imposé. Depuis, aidé de militaires, miliciens et soutiens divers, Robert Mugabe resserre l’étau autour de son adversaire.

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