Zambie : fuite d’acide dans la Copperbelt, une crise environnementale et sanitaire


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La rupture d’un barrage minier en février 2025 a contaminé l’eau et les sols de la Copperbelt zambienne. Entre déni officiel et inquiétudes persistantes, la catastrophe soulève la question de la responsabilité des entreprises minières et de la protection du droit à un environnement sain.

Ce jeudi, Human Rights a publié un rapport dans lequel il interpelle le gouvernement zambien au sujet d’une pollution aux déchets toxiques. L’organisme attend de la part des autorités zambiennes une enquête approfondie pour évaluer l’ampleur réelle des risques sanitaires et environnementaux afin de prendre les mesures idoines pour protéger hommes et environnement.

Une marée acide aux conséquences visibles et invisibles

Le 18 février 2025, un barrage de la société chinoise Sino-Metals Leach Zambia, filiale de China Nonferrous Metal Mining Group, a cédé à Chambishi, dans la province de Copperbelt. Des effluents acides se sont déversés dans la rivière Kafue, entraînant la mort de poissons, la destruction de cultures de maïs et d’arachide et la perte de bétail.

Pour les habitants, les effets se sont rapidement fait sentir. Plusieurs ont affirmé avoir bu de l’eau contaminée ou consommé des récoltes polluées, avant de souffrir de symptômes inquiétants : diarrhées, maux de tête, toux persistante, crampes musculaires et lésions cutanées. Au-delà des dégâts agricoles immédiats, l’impact sanitaire s’avère plus profond et durable.

Des analyses alarmantes

Human Rights Watch (HRW) a exhorté les autorités à enquêter de manière indépendante et à tester les communautés pour détecter une intoxication aux métaux lourds. L’organisation rappelle que la Zambie, en vertu de ses engagements internationaux, doit garantir le droit à la santé et à un environnement sûr.

Les alertes se sont multipliées, a rappelé HRW. En août, le ministère finlandais des Affaires étrangères a publié des analyses montrant que l’eau de la zone contenait 24 métaux lourds, dont 16 – parmi lesquels le nickel, le plomb, l’arsenic et l’uranium – dépassaient les limites fixées par l’OMS. Des substances hautement toxiques, surtout pour les enfants et les femmes enceintes.

Face à ces résultats, les États-Unis ont ordonné, le 6 août, l’évacuation immédiate de leur personnel des zones touchées, évoquant « l’ampleur des substances cancérigènes » et un risque de contamination par inhalation de particules.

Entre excuses et déni

Sous pression, Sino-Metals a présenté ses excuses et promis de « nettoyer la rivière » et d’indemniser plus de 500 agriculteurs. Mais six mois après la catastrophe, plusieurs habitants affirment n’avoir reçu aucun soutien.

Le gouvernement, de son côté, assure que « le danger immédiat est écarté », arguant que le pH de l’eau est revenu à la normale et que les niveaux de métaux lourds diminuent. Une position jugée prématurée par des ONG locales, qui dénoncent un manque de transparence et des mesures insuffisantes. « La marée acide est le résultat de graves négligences et d’une surveillance laxiste », estime la Coalition zambienne pour la justice environnementale, qui réclame une renégociation des indemnisations et une participation réelle des communautés.

Une crise révélatrice d’un problème structurel

La Copperbelt, moteur économique du pays, est au cœur d’un dilemme. L’exploitation minière assure plus de 70 % des recettes d’exportation, mais ses dégâts environnementaux sont considérables. L’exemple de Kabwe, ancienne ville minière de plomb où la pollution continue d’empoisonner la population 30 ans après la fermeture des sites, illustre ce passif lourd, a rappelé HRW. La fuite d’acide de Chambishi n’est donc pas un accident isolé mais un révélateur : celui d’une dépendance au cuivre qui fragilise la gouvernance environnementale. Entre nécessité économique et droits fondamentaux, la Zambie peine à trouver un équilibre.

La loi zambienne de 2011 sur la gestion de l’environnement consacre le droit de chacun à un milieu « propre et sain ». Mais dans la pratique, l’application reste défaillante. HRW appelle les bailleurs internationaux à soutenir la Zambie pour renforcer la régulation, dépolluer les zones contaminées et garantir un suivi médical aux populations exposées. Car au-delà des chiffres et des rapports officiels, les habitants continuent de vivre avec la peur de boire, manger ou respirer des toxiques invisibles. La catastrophe de Chambishi pourrait bien devenir un nouveau Kabwe si rien n’est fait pour instaurer une véritable justice environnementale.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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