Tchad : N’Djamena rompt avec l’ONG African Parks après quinze ans de partenariat


Lecture 3 min.
african-parks-Tchad

Le Tchad met fin à quinze ans de collaboration avec l’ONG sud-africaine African Parks Network, jusque-là chargée de la gestion du parc national de Zakouma et de la réserve d’Ennedi. En cause : des tensions persistantes avec les autorités, un manque d’investissements et la recrudescence du braconnage.

Le gouvernement tchadien a annoncé, lundi 6 octobre, la résiliation des accords de gestion de ses parcs naturels conclus avec l’ONG sud-africaine African Parks Network (APN). Dans un communiqué officiel, le ministre de l’Environnement, de la Pêche et du Développement durable, Hassan Bakhit Djamous, a invoqué des « difficultés permanentes de collaboration avec les administrations de tutelle des aires protégées », une « recrudescence du braconnage » et un « manque cruel d’investissements ». Le ministre a également dénoncé « une attitude indélicate et irrévérencieuse récurrente vis-à-vis du gouvernement tchadien », mettant ainsi fin à un partenariat qui faisait figure de modèle dans la conservation de la faune africaine.

Un partenariat emblématique remis en cause

Depuis 2010, African Parks gérait le parc national de Zakouma, considéré comme un symbole de renaissance écologique après des années de braconnage intense. À cette époque, seuls 450 éléphants subsistaient, décimés par des groupes armés et des miliciens janjawids venus du Darfour voisin.

Grâce à un programme de protection armée et de gestion écologique rigoureuse, APN affirmait avoir contribué à une augmentation de 40 % de la population d’éléphants et à la restauration d’une partie de la biodiversité du parc.

En 2018, l’ONG avait également signé un second accord pour la gestion de la réserve naturelle et culturelle d’Ennedi, un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, célèbre pour ses formations rocheuses et son écosystème désertique unique.

African Parks tente de temporiser

Dans un communiqué publié lundi sur son site, African Parks a confirmé être « en discussion avec le ministère tchadien » afin d’examiner « la meilleure voie pour garantir le maintien des acquis importants en matière de conservation ».

L’organisation, qui gère aujourd’hui 22 parcs dans 13 pays africains, est basée à Johannesburg et dispose d’un budget annuel de plus de 100 millions d’euros. APN, fondée par un milliardaire néerlandais passionné de faune sauvage, s’est donnée pour mission de restaurer et de sécuriser les écosystèmes menacés en Afrique, souvent en partenariat avec les États. La rupture tchadienne constitue donc un coup dur symbolique pour l’ONG, dont les modèles de cogestion étaient jusque-là salués par la communauté internationale.

Un signal politique et environnemental fort

La décision du Tchad intervient dans un contexte de réaffirmation de souveraineté sur la gestion des ressources naturelles. Selon plusieurs observateurs, ce retrait pourrait traduire la volonté de N’Djamena de reprendre un contrôle direct sur ses zones protégées et de réorienter la politique environnementale nationale vers des acteurs locaux.

Mais cette décision suscite aussi des inquiétudes sur la continuité des efforts de conservation menés depuis plus d’une décennie. Le parc de Zakouma et la réserve d’Ennedi, emblèmes de la biodiversité tchadienne, pourraient être fragilisés si la transition de gestion n’est pas accompagnée par des moyens techniques et financiers suffisants.

Maceo Ouitona
LIRE LA BIO
Maceo Ouitona est journaliste et chargé de communication, passionné des enjeux politiques, économiques et culturels en Afrique. Il propose sur Afrik des analyses pointues et des articles approfondis mêlant rigueur journalistique et expertise digitale
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News