Yela-Wa : des racines et des ailes


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Prix innovation Paul Kamba au Festival panafricain de musique 2001, la troupe Yela-Wa et son spectacle  » Le Caméléon « , savoure son prix à sa juste valeur. Celle d’une reconnaissance et d’un encouragement. Le génie fou de cette machine à sons s’appelle Gomar Parfait Ludovic. A 37 ans, le musicien-chercheur congolais aura tout sacrifié à sa passion. Pas en vain. Portrait.

 » Cela m’a coûté la séparation d’avec ma femme. Je ne pouvais plus m’occuper d’elle, j’étais corps et âme dans ma recherche « . Gomar Parfait Ludovic ne nourrit pourtant aucune amertume. Sa passion pour la musique et les sons aura eu raison de son couple. Une passion qu’il assume et reconnaît même dans ses plus noirs travers. Aujourd’hui, fruit d’un travail chimérique de recherche musicale, sa troupe Yela-Wa vient de remporter le prix innovation au Festival panafricain de musique (Fespam) 2001.

Boubou blanc aux broderies mauves et or, Ludovic déjeune tranquillement à la terrasse d’un petit boui-boui de Potopoto, quartier populaire de Brazzaville. Poisson fumé et manioc. Il est ici chez lui. Le longiligne congolais de 37 ans a les yeux et la verve animés d’une flamme pure et chaude quand il parle de musique. Sa musique, celle qu’il a en tête, celle qu’il veut développer, celle dont il est en train d’asseoir la notoriété et la légitimité. Une musique enracinée dans la tradition mais sans cesse enrichie de nouveaux apports. Une musique de bouts de ficelle, celle d’une Afrique capable de faire flèche de tout bois et de tracer sa propre voie.

Du théâtre à la danse, de la danse à la musique

C’est par le théâtre pantomime que Ludovic commence son long parcours artistique. Un art qui le mène à la danse.  » Il n’y avait qu’un pas que je n’ai pas tardé à franchir « . Mais l’enfant de Potopoto est un bâtisseur, il ne se contente pas d’être un simple danseur. Il monte deux compagnies successives pour essayer  » d’actualiser la danse africaine « . Le ballet Kami ( » la fourmi rouge « ) et le ballet Yelengue (du nom d’une plante rampante aux racines tentaculaires).

Il travaille avec le ballet national congolais et monte une troisième troupe avec un ami chorégraphe ivoirien – l’Association d’intégration d’art dramatique – avant d’arriver à ce simple constat :  » Dans la danse, on ne peut pas s’exprimer sans musique  » et quelque chose lui manquait. Les musiques sur lesquelles ils travaillait  » ne collaient pas à la peau du danseur « . Manque d’harmonie entre le corps et les sons. Ludovic décide alors de monter sa propre structure pour créer la musique dont il a besoin. Sa quête commence. Une quête d’authenticité et de renouveau, une quête acoustique et rythmique qui le mènera à Yela-wa.

Initiation autodidacte

Comme dans la danse, c’est le renouveau dans la tradition qui intéresse Ludovic. Artisan d’une culture oubliée qu’il voudrait vivante et dynamique. Alors, il cherche. Dans un premier temps, il rassemble tous les instruments traditionnels congolais. Quatre années pendant lesquelles il apprend d’ailleurs à jouer, tout seul, de tout ce qu’il arrive à récolter. Mais il veut plus. Du nouveau pour enrichir l’ancien.

 » Je voulais créer quelque chose de neuf, créer de nouveaux agencement de sons, alors je me suis mis à essayer de détecter les sons des objets, tous les objets « , explique le désormais chef d’orchestre. Dans son quartier, on le prend pour un fou. Partout il ramasse tout ce qu’il trouve, tout ce qui serait susceptible de lui livrer de nouvelles sonorités. Amas de bric et broc pour les uns, concurrence déloyale pour sa femme, trésors de découvertes pour lui.

Apprendre c’est écouter

Sa passion le dévore, il ne vit que pour elle. Sa femme le quitte. Qu’importe, il continue, obnubilé par ses inspirations. 1996. Sa collection baroque d’instruments de musique est déjà conséquente. Ludovic s’arrête pour jeter un regard sur son oeuvre. Question.  » Je me demandais ce que je pouvais faire de tous ces sons, toutes cette recherche. Alors j’ai rassemblé quelques musiciens pour créer un groupe.  » Le bien nommé Yela-wa,  » entendre c’est écouter « , en langue congo.

L’aventure commence et continue. Après quelques errements, la formation trouve son équilibre. Entre recherches et compositions, un spectacle se monte :  » Le Caméléon « . Ludovic tient à remercier dans son histoire, Charlotte Bolot, la directrice du Centre culturel français de Brazzaville.  » Elle a toujours cru en nous, elle nous a beaucoup aidé avec son soutien moral et logistique (elle procure gratuitement au groupe une salle de répétition, ndlr) « .

Dix musiciens, 58 instruments, dont 18 de création propre faits à partir d’objets de récupération, pour un répertoire de quatorze titres, le spectacle se rode de représentation en représentation. En 1996, Yela-wa participe à son premier Fespam. En 2001, à la 5ème édition du Marché des arts et du spectacle africain. Enfin, toujours en 2001, non pas la consécration mais plutôt une véritable reconnaissance, le groupe remporte à la troisième édition du Fespam le prix innovation Paul Kamba, devant les caméras et les micros de toute la presse africaine.  » C’est quelque chose de grand « , commente pudiquement Ludovic.

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