
Dans le feutré de l’Institut de France, sous les ors de la coupole, résonne désormais un accent qui porte l’écho des collines d’Alger. Le 3 juin 2025, Yasmine Belkaid, 55 ans, immunologue franco-algérienne de renommée mondiale, a franchi les portes de l’Académie des sciences parmi 18 nouveaux membres – pour la première fois majoritairement des femmes. Pour cette native d’Alger, formée sur les bancs de l’Université des sciences et de la technologie Houari-Boumediene (USTHB) à Bab Ezzouar, cette distinction consacre un parcours exceptionnel.
Né en 1968 à Alger, Yasmine Belkaid est aujourd’hui une scientifique de renommée mondiale. Au début des années 1990, elle obtient ses licences et maîtrises de biochimie à l’USTHB et travaille déjà, au sein de l’Institut Pasteur d’Algérie, sur de nouveaux diagnostics de la leishmaniose, première maladie parasitaire du pays. C’est forte de cet ancrage qu’elle rejoint la France pour décrocher, en 1996, un doctorat d’immunologie à l’Institut Pasteur de Paris, avant de traverser l’Atlantique pour un post-doctorat aux National Institutes of Health (NIH).
Une pionnière du microbiote à la carrière transatlantique
À Cincinnati puis au NIH, elle fonde dès 2005 l’unité d’immunologie mucosale qui révolutionnera notre compréhension du système immunitaire. Yasmine Belkaid est l’une des premières chercheuses à démontrer le rôle fondamental du microbiote cutané et intestinal dans l’éducation et la régulation du système immunitaire. Ses travaux révèlent comment les bactéries commensales orchestrent nos défenses naturelles et influencent notre susceptibilité aux maladies auto-immunes et allergiques.
Ces découvertes pionnières lui valent le prestigieux Lurie Prize, le Robert-Koch Award et, en mai 2025, son élection comme Foreign Member de la Royal Society – une reconnaissance exceptionnelle qui couronne trois décennies de recherche d’excellence.
Une voix qui porte pour la science ouverte
Depuis janvier 2024, Belkaid préside l’Institut Pasteur. Son plan stratégique « Pasteur 2030 » fait de la détection ultra-précoce des pathogènes, de la science One Health (approche intégrée de la santé humaine, animale et environnementale) et de la collaboration avec les start-up les nouveaux axes prioritaires. Des accords structurants, comme celui signé en février 2025 avec Bpifrance pour accélérer le transfert industriel, concrétisent cette ambition.
Dans le Financial Times, elle alertait en février 2025 : « Science is in danger ». Face à la défiance croissante et à l’érosion des financements publics, elle plaide inlassablement pour une recherche éthique, ouverte et mieux soutenue. Un engagement qu’elle puise, dit-elle, dans « la résilience apprise en Algérie ».
En rejoignant l’illustre compagnie de Pasteur et de Lavoisier, Yasmine Belkaid apporte à l’Académie des sciences une perspective résolument mondiale et multiculturelle. Sa trajectoire incarne parfaitement la science du XXIe siècle : celle d’une chercheuse façonnée par l’école algérienne, aguerrie par la recherche américaine, et désormais stratège européenne de la prévention des pandémies.
Son parcours va inspirer une nouvelle génération de jeunes scientifiques, particulièrement en Algérie, et démontre que l’excellence peut naître partout pour rayonner universellement.