
Restituée le 1er juillet 2025 au Palais de la Culture, l’étude stratégique sur la relance du cinéma algérien marque une étape décisive dans la refondation d’une politique publique culturelle ambitieuse. Initiée par le Ministre de la Culture et des Arts, Monsieur Zoheir Ballalou, elle constitue la suite logique des Assises Nationales du Cinéma organisées en janvier dernier sous l’égide du Président Abdelmadjid Tebboune.

Quatre experts de haut niveau ont été mobilisés pour conduire cette étude indépendante : Giacomo Mazzone, Hamoudi Laggoune, Farid Merabet Chater et Olivier Zegna Rata. Leur mission : établir un diagnostic précis, cartographier les blocages, écouter les acteurs, et proposer des mesures concrètes pour relancer le secteur.
Une expertise internationale pour une relance globale
Réalisée entre avril et juin 2025, l’étude s’appuie sur plus de 80 consultations menées avec des professionnels du cinéma, producteurs, réalisateurs, techniciens, diffuseurs, responsables institutionnels, investisseurs, artistes et membres de la diaspora.
À la suite des Assises de janvier, l’étude propose une feuille de route opérationnelle, structurée autour de 20 mesures prioritaires. Elle vise à transformer un secteur fragile et fragmenté en une véritable industrie culturelle. L’enjeu dépasse l’art : il s’agit aussi de développement économique, d’emploi qualifié, d’éducation et de rayonnement international.
Une ambition claire : passer du rêve au plan d’action
Le plan d’action élaboré par les experts à partir des recommandations des Assises et de l’ensemble des consultations menées à Alger identifient cinq axes structurants pour une relance durable :
1.Reconstitution du marché : organiser l’offre et la demande de manière plus cohérente, en s’appuyant sur les dynamiques territoriales émergentes, démultiplier l’action engagée pour développer le nombre de salles de cinéma en Algérie en les adaptant aux nouvelles attentes du public et engager de nouvelles synergies entre audiovisuel et cinéma, deux industries qui se rapprochent de plus en plus du fait de la convergence des usages du public. Il s’agit de retrouver « le lien perdu entre le cinéma algérien et son public« , pour reprendre les termes utilisés par Mohamed Bedjaoui.

2.Nouveaux modèles de financement : intégrer les outils numériques, développer l’attractivité touristique, activer des mécanismes d’investissement comme les fonds communs de placement avec incitations fiscales (sur le modèle des SOFICA) ou le capital-risque pour attirer de plus en plus les investisseurs privés vers le financement de cette industrie. L’étude insiste en effet sur l’importance de cette multiplication des ressources possibles, capables de dynamiser sur le long terme l’industrie cinématographique algérienne, afin de passer d’une logique de subvention à une logique économique industrielle dans laquelle le cinéma devient une activité profitable qui contribue au dynamisme du Produit Intérieur Brut du pays, crée des emplois et de la richesse, comme c’est le cas dans des pays comme l’Inde, la Turquie, l’Indonésie ou encore le Nigéria.

3.Attractivité internationale : faire du territoire algérien une destination accueillante pour les tournages étrangers et s’intégrer stratégiquement aux marchés mondiaux. Le cinéma est probablement l’industrie la plus « mondialisée », parce que son exploitation est désormais numérique et ignore largement les frontières. Le cinéma algérien doit profiter de cette nouvelle ère pour projeter sa singularité et son ancrage culturelle, sa vision du monde aussi, dans une logique de soft power assumée.
4.Formation professionnelle : renforcer la transmission des savoirs, créer des passerelles entre l’enseignement, les métiers du cinéma et les nouvelles compétences numériques. Dans une industrie en profond bouleversement, les compétences techniques doivent s’adapter en permanence et de nouveaux outils de formation peuvent être rapidement mis en place pour assurer des dynamiques professionnelles en phase avec les besoins nouveaux, en particulier sur les images virtuelles et l’utilisation de l’intelligence artificielle à tous les niveaux du parcours de production et de la chaîne de valeur.
5.Un cadre pour le droit d’auteur : sans protection efficace, pas d’industrie durable. L’étude insiste sur la nécessité d’affronter frontalement le piratage, de restaurer la valeur économique des œuvres et de mettre en place un modèle économique vertueux fondé sur une exploitation légale, équitable et durable des créations au profit des créateurs et pour donner plus de moyens à la production grâce à l’exploitation numérique tous azimuts des oeuvres cinématographiques.
Un cadre d’action concret, pas un catalogue d’intentions

Cette étude marque un tournant : elle propose une politique publique intersectorielle, mobilisant la culture, le numérique, l’investissement, l’éducation, les collectivités locales et les partenaires internationaux, au service d’un programme pluriannuel pour relancer le cinéma algérien.
Le document trace les contours d’une Vision 2030 pour le cinéma algérien — une vision structurée, ambitieuse et ancrée dans la réalité du terrain. Le cinéma algérien a une histoire glorieuse. Les mutations technologiques actuelles lui donnent l’opportunité de retrouver ce rayonnement et de replacer l’Algérie parmi les grandes nations productrices de cinéma.
Dans la symphonie culturelle mondialisée qui s’impose à un rythme effréné, il est en effet essentiel qu’une nation telle que l’Algérie, riche d’un patrimoine matériel et immatériel exceptionnel, fasse entendre sa musique singulière et unique.