
La capitale malienne est en émoi après la mort violente de Khalil Haddad, 52 ans, restaurateur libanais bien connu à Bamako. Le propriétaire du célèbre bar-restaurant Les Cèdres, situé dans le quartier animé de l’Hippodrome, a succombé à ses blessures dans la nuit de samedi à dimanche, à la suite d’une altercation avec un ressortissant russe présumé membre du groupe Wagner.
Le drame, largement commenté dans la capitale du Mali, réveille les craintes croissantes concernant l’impunité des paramilitaires russes opérant au Mali. Les faits se sont produits peu avant minuit, dans un établissement bondé. D’après plusieurs témoins, une dispute aurait éclaté entre le propriétaire et trois clients russophones visiblement en état d’ébriété, qui refusaient de payer leur addition.
L’altercation a rapidement dégénéré : l’un d’eux, décrit comme un homme imposant tatoué de symboles militaires, aurait frappé Khalil Haddad à la tête avec une bouteille.
« Khalil leur a seulement demandé calmement de régler la note », raconte Amadou Traoré, serveur depuis huit ans. « Le Russe s’est levé sans prévenir et l’a frappé violemment. Il y a eu un mouvement de panique. » Transporté d’urgence à l’hôpital, le restaurateur est décédé quelques heures plus tard des suites de ses blessures.
La communauté libanaise sous le choc
La nouvelle du décès a plongé la communauté libanaise de Bamako dans la consternation. Présente depuis les années 1960, elle compte plusieurs milliers de membres et joue un rôle économique important à travers ses commerces, entreprises et restaurants.
Son président, Georges Khoury, exprime une inquiétude grandissante face au climat d’insécurité. « Nous vivons ici depuis des générations, nous faisons partie du tissu économique et social du Mali », déclare-t-il. « Mais aujourd’hui, nous avons peur. Ces hommes armés agissent comme s’ils étaient au-dessus des lois. »
Depuis 2021, la présence du groupe Wagner au Mali soulève des tensions. Officiellement présent pour renforcer la coopération militaire, le groupe opère dans une zone d’ombre juridique. Plusieurs incidents récents, impliquant des mercenaires russes, n’ont donné lieu à aucune poursuite judiciaire, alimentant un sentiment d’impunité.
« C’est le troisième incident en deux mois impliquant des Wagner », confirme un diplomate occidental basé à Bamako. « À chaque fois, tout disparaît dans les méandres du silence administratif. C’est un État dans l’État. »
Une enquête sous haute pression
Les autorités maliennes ont annoncé l’ouverture d’une enquête et promis une procédure « impartiale et rigoureuse ». Toutefois, selon plusieurs sources proches du dossier, l’agresseur présumé aurait été libéré quelques heures après son interpellation, à la suite d’une intervention de haut niveau.
Cette information, non confirmée officiellement, a provoqué la colère de la communauté libanaise et la méfiance d’une partie de la population. Le parquet de Bamako n’a pour l’instant pas souhaité commenter.



