Traitement à deux vitesses pour les sans-papiers de Buffalo Grill


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Vingt sans-papiers de la chaîne de restaurants Buffalo Grill ont été régularisés jeudi au prix du sacrifice d’une douzaine d’autres. Ces derniers sont jugés « irrégularisables » pour avoir porté des accusations d’exploitation contre leur employeur. L’enseigne internationale devra les aider à retourner dans leur pays, ce dont la CGT, l’un des négociateurs, ne veut pas entendre parler.

Vingt travailleurs sans-papiers ont été régularisés jeudi au terme d’une négociation de trois jours entre leur ex-employeur, Buffalo Grill, la préfecture de l’Essonne et le syndicat de la Confédération générale du travail (CGT). Au total, ils étaient cinquante et un employés de l’enseigne internationale à manifester depuis fin mai, dans le restaurant de Viry-Châtillon (Essonne), d’abord, puis sur son parking, pour leur régularisation. Ils avaient été employés durant plusieurs années avant de s’être récemment vu licenciés ou menacés de l’être, pour présentation de faux papiers lors de leur embauche. Suite à un contrôle de la gendarmerie dans un Buffalo Grill des Yvelines, en février dernier, l’enseigne a fait le ménage dans tous ses restaurants en assurant avoir été « abusée » par ses travailleurs sans-papiers.

Gérard Moisselin, préfet de l’Essonne, qui a le pouvoir discrétionnaire de régulariser un tiers, a déclaré à l’AFP que son choix s’est effectué « sur critères ». Parmi ceux-ci : l’intention de réembauche de l’entreprise. Et Buffalo s’est engagé à proposer de nouveaux contrats de travail à vingt de ses employés, « à titre exceptionnel », en prenant en compte leur ancienneté dans l’entreprise, selon le communiqué de « sortie de crise » co-signé par les négociateurs.

Les diffamateurs non régularisés

Durant leurs longues et pluvieuses semaines de lutte, douze employés sans-papiers sont allés au charbon devant la presse, à visage découvert, pour dénoncer la manière dont leur employeur a profité de leur précarité. Ceux-là restent sur le tapis. « La direction de Colony Capital (fond d’investissement propriétaire depuis 2005 des la chaîne de restaurant)/Buffalo Grill a opposé un veto absolu à leur réembauche et leur a donc fermé la porte de la régularisation », a expliqué jeudi Raymond Chauveau, l’un des négociateurs de la CGT, lors d’une conférence de presse.

L’entreprise leur reproche « de très graves accusations tenant à l’existence, au sein de l’entreprise, d’un système anormal d’embauche doublées d’accusations d’exploitation raciste voire négrière ». Des accusations qu’elle juge « diffamatoires » mais que les principaux concernés maintiennent. « Tout ce que nous avons dit, c’est la réalité », a déclaré à l’AFP Issa Camara, non régularisé. Quant à Saloum Cissokho, licencié en février du Buffalo Grill d’Orgeval (Yvelines), il assure que « si c’était à refaire, [il] n’hésiterait pas une seule seconde ». La CGT, qui revendique une « première victoire », promet qu’elle « ne laissera pas ces camarades sur le bord du chemin ».

Lavé des accusations d’exploitation, Buffalo paye quand même

L’organisation syndicale a renouvelé « de haute lutte » son exploit d’octobre 2006, lorsqu’elle a obtenu la régularisation d’ex-employés irréguliers de la blanchisserie industrielle Modéluxe. Mais Buffalo-Grill s’est également bien battu. La société a obtenu que la CGT admette, « animée par la défense des intérêts des employés sans-papiers (…), que les accusations portées contre Buffalo Grill sont en l’état infondées ». Une petite phrase qui a dû lui coûter. Le syndicat avait dénoncé durant le conflit « un système où la main d’œuvre corvéable et jetable à merci ».

Puisqu’il n’est pas coupable de l’emploi d’étrangers dépourvus d’autorisation de travail, Buffalo Grill n’aura pas à s’acquitter de la « contribution spéciale ». Le montant de cette amende, versé à l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations (Anaem), est notamment représentatif des frais de réacheminement des étrangers en situation irrégulière. Pourtant, l’accord signé jeudi prévoit que le restaurant, « à la demande de l’administration », verse une somme à l’organisme publique pour aider ses anciens salariés non régularisés à retourner dans leurs pays d’origine.

Petit arrangement entre négociateurs ? Contactée vendredi, l’Anaem n’a pas été en mesure d’indiquer le jour même à Afrik si une telle procédure était exceptionnelle. Sur ce point, « non seulement nous n’avons pas de mot à dire, mais nous n’avons pas voulu dire un mot, a en revanche souligné Raymond Chauveau. C’est un accord entre l’administration et Buffalo-Grill. Il ne nous concerne pas. »

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