Togo : un tournant historique de la contestation


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Depuis 2010, une manifestation est organisée au moins une fois par mois au Togo pour contester le pouvoir en place. Ces mouvements sociaux ont pris une tournure historique lorsque l’opposition et la société civile se sont unies au sein d’un même collectif, appelé « Sauvons le Togo », pour réclamer la démission du président Faure Essozimna Gnassingbe, au pouvoir depuis 2005. A cela s’ajoute la grève du sexe -encore inédite au Togo- lancée par plusieurs femmes dimanche pour inciter les hommes à rejoindre la contestation. Toutefois, Lydie Boka, spécialiste de l’Afrique précise à Afrik.com que ce conflit social est à relativiser.

« Rien n’avance, les gens sont diplômés mais ne travaillent pas », soupire Kodjo, un jeune Togolais de 26 ans qui vit en France depuis 4 ans. Pour lui, la situation du pays est préoccupante et le président Gnassingbe n’a guère l’air de s’en soucier. De plus, pour Kale, 36 ans, qui travaille dans le 10e arrondissement parisien, ce chef d’Etat n’est pas légitime : « Il est arrivé au pouvoir sans élection valable. Il a pris la suite de son père. C’est de la chefferie. » Mais selon cette autre Togolaise de 63 ans travaillant également à Paris, les opposants ne sont pas forcément mieux placés pour diriger : « Je ne sais pas si eux (les opposants) vont faire bouger les choses. On sait ce qu’on perd mais pas toujours ce qu’on retrouve. »

Depuis environ une quinzaine de jours, le Collectif Sauvons le Togo (CST), qui regroupe des organisations de la société civile et des partis politiques de l’opposition, multiplie les manifestations. Samedi, plusieurs milliers de personnes sont descendues dans les rues de Lomé et des femmes du Collectif ont lancé un appel aux Togolaises pour faire la grève du sexe cette semaine, et inciter les hommes à rejoindre le mouvement. Encore du jamais vu dans le pays.

Le CST souhaite un dialogue « franc et sincère »

D’après Raphaël Nyama Kpande-Adzare, rapporteur général du CST joint par Afrik.com, le Collectif souhaite que le chef de l’Etat, Faure Essozimna Gnassingbe , se livre à un dialogue « franc et sincère » avec ses opposants et qu’il réponde point par point à leurs revendications ou « qu’il prenne ses responsabilités, c’est-à-dire qu’il démissionne». Le Collectif réclame par ailleurs la cessation des atteintes aux droits de l’Homme. Raphaël Nyama Kpande-Adzare parle notamment de cas de tortures perpétrées au Togo.

Sauvons le Togo souhaite également la transparence au niveau des élections. Pour être précis, ce qui pose problème à l’opposition, c’est la tentative de changement du code électoral à six mois des élections. Il s’agit de la loi portant sur la modification du code électoral, de la loi érigeant les chefs-lieux des préfectures en communes urbaines, enfin, de la loi organique fixant le nombre de députés à l’assemblée nationale. En outre, le Collectif demande aussi le report des législatives à juin 2013. Enfin, il revendique une « bonne gouvernance » basée sur un meilleur partage des richesses, lesquelles sont confisquées, selon les opposants, par la minorité au pouvoir.

Mais pour Lydie Boka, spécialiste de l’Afrique, le gouvernement de Faure Essozimna Gnassingbe, certes pas démocratique, est toutefois moins dur que celui de son père -Faure Eyadema Gnassingbe est lui resté 38 ans au pouvoir- et a contribué à développer le pays. Il a ainsi construit un certain nombre d’infrastructures et développé des relations avec la communauté internationale.

Une situation compliquée pour la population

Toujours selon l’experte Lydie Boka, la situation est néanmoins compliquée pour les populations locales, qui souhaitent que le pays se développe davantage, que des efforts soient faits notamment au niveau de l’emploi. De plus, « une partie des habitants de Lomé a un sentiment d’exaspération envers un pouvoir resté 40 ans en place ». Gnassingbe fils a ainsi succédé à Gnassingbe père en 2005.

D’après Lydie Boka, les manifestations menées en ce moment par le Collectif Sauvons le Togo prennent une tournure encore jamais vue, notamment avec l’appel lancé par plusieurs Togolaises à faire la grève du sexe. Une démarche inédite qui aurait l’avantage d’attirer l’attention de la communauté internationale. En outre, c’est la première fois que l’opposition et la société civile se réunissent au sein d’un même collectif pour réclamer la démission du président.

L’ampleur de ce mouvement est cependant à relativiser car, en 2005, des manifestations avaient déjà été organisées pour protester contre l’arrivée au pouvoir de Gnassingbe fils. Ces mouvements sociaux s’étaient soldés par plusieurs milliers de morts suite à la répression des autorités. Depuis 2010 « il y a au moins une manifestation par mois au Togo », souligne Lydie Boka.

Pour la directrice du site strategico.fr, le gouvernement de Faure Essozimna Gnassingbe n’a néanmoins pas à craindre de renversement car c’est un pouvoir « solidement ancré » qui dispose « d’importants soutiens militaires qui repose sur une base ethnique ». Celui-ci devrait quand même être amené à négocier avec l’opposition.

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