Togo : l’opposition multiplie les coalitions politiques


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Indignation, colère, réprobation et même dégoût ! Ce sont là, sans doute, les clameurs que suscite le nouveau front politique, ARC-EN-CIEL. S’agit-il d’une fatalité, d’un manque de discernement ou d’une complicité criminelle ? Ainsi s’interrogent les Togolais qui ont l’impression d’avoir à faire à une « opposition du Roi », qui n’a de légitimité que celle octroyée par la cour. Cette opposition trafiquée va et vient. Au gré des vents. Selon les humeurs du prince. Quel crédit peut-on accorder à son nouveau front dont les bretelles flirtent avec la marque griffée RPT ? ARC-EN-CIEL, c’est un déversoir de médiocrité dont la trajectoire annoncée ne peut déboucher sur aucune victoire électorale. Ce truc, à vrai dire, veut faire un trou sous le CST/FRAC, pour permettre au petit despote accroché à son pouvoir chancelant de rempiler?

Ce qui se passe aujourd’hui avec la création de ce collectif par d’anciens collabos du RPT est l’exemple type, mais en plus terrifiant, des tragédies absurdes qui ont meurtri le Togo. En ne retenant pas les leçons des amères expériences vécues par le passé, des sorts infâmes qui ont clôturé son parcours depuis 1990, cette opposition de l’absurde partage, face à l’histoire, la responsabilité de l’instabilité politique ayant détruit le Togo et inutilement emporté des vies humaines. Si tout au long de ces années aux péripéties douloureuses, les avis concordent, divergent ou s’entrechoquent au sujet de la voie a suivre, une même angoisse étreint les cœurs, une même interrogation taraude les esprits : l’opposition togolaise, sa vieille garde, s’est-elle jamais organisée pour prendre le pouvoir au RPT ? Ne se contente-elle pas, par des « calculs partisans et politiciens dont les fâcheuses conséquences ont retardé l’avènement de l’Etat de droit au Togo », d’accompagner le régime et prolonger un chaos qui lui profite ? 

Tous les analystes, tous les experts en conviennent : les hommes de main du régime, les milices armées et leurs cortèges de profiteurs et parasites ne lâcheront pas facilement le morceau. Mais en même temps, ces observateurs en viennent fréquemment au triste constat – certains ne s’en cachent pas – qu’il est difficile de négocier le départ du RPT en prenant appui sur les réduits d’une opposition opportuniste et inconséquente, dont les membres, vieillis pour la plupart, sont des « il était une fois » incapables de peser, parce que n’ayant plus de crédibilité.

Le regroupement qui se nomme aujourd’hui ARC-EN-CIEL aurait dû intégrer le CST/FRAC s’il veut redorer son blason. Il aurait dû tout entreprendre pour trouver sa place dans ce courant dans lequel beaucoup de Togolais voient une lueur d’espoir. Son apparition, abrupte, est, au bas mot, une malhonnêteté méprisable. Si l’on sait qu’elle intervient à la lisière d’une élection majeure que ses membres veulent briguer, arguant que les collectifs existants, le CST et le FRAC, contiennent en leur sein des associations de la société civile. Cet argument, rondement mensonger, est une mauvaise pilule que nul ne peut avaler. Parce que depuis toujours, les regroupements de partis politiques (COD1, COD2 …) ont cheminé main dans la main avec les associations, y compris les syndicats. N’est-ce pas cette collaboration étroite qui avait fait qualifier la grève générale de 1992 de politique par le RPT ? On a vu, dans certains pays, la société civile prendre le devant des mouvements pour terrasser un régime impopulaire. L’exemple de la Pologne où, dans les années 90, l’emblématique Lech Walesa, syndicaliste et fondateur de Solidarnosc au chantier naval de Gdansk, est encore présent dans toutes les mémoires. Les fondateurs d’ARC-EN-CIEL se doivent de consulter l’histoire des peuples, plus qu’ils n’écoutent les réclamations de leur ventre. Pourquoi ces « has been » qui se font passer pour des « professionnels de la politique » ne disent pas, d’entrée, à l’opinion, comment et par quel miracle ils comptent gagner des points lors des prochaines législatives quand les lois électorales sont maintenues en l’état, à dessein, dans leur formes abjectement viciées et verrouillées.

Ce positionnement du CAR, de la CDPA et des minuscules formations qui les accompagnent est méprisable. Leur attitude réveille les vieux démons d’une discorde jamais définitivement éteinte qui maintient le peuple togolais dans les profondeurs de la frustration, dans l’antichambre d’une démocratie menottée par les mêmes courants diaboliques. Il est loin le temps où les Yaovi Agboyibor, Léopold Gnininvi, Antoine Folly et consorts étaient considérées comme des personnes ayant de l’expérience, comme des leaders convaincus, capables de diriger le dispositif de lutte contre le pouvoir obscurantiste en place. On avait, en leur temps, attendu des messies, mais l’on a vu défiler, au fil des ans, rien que de grands gaillards sans conviction, couchés à plat ventre devant le RPT, à tour de rôle, trempés dans la mare aux diables, rebaptisés, humiliés, démystifiés, pour se réduire à de simples roues de secours que le pouvoir cinquantenaire utilise de temps en temps pour se sortir de situations compliquées.

Dans le contexte actuel, à l’heure où les lois de la République, disons plutôt de la dynastie Gnassingbé, sont de nature à étouffer toute alternance politique au Togo et prêtes à creuser de nouvelles tombes pour les pauvres Togolais combattant pour la démocratie, une frange de l’opposition qui, par le passé récent s’est révélée avariée, refuse obstinément de procéder à une autocritique salvatrice. C’est cette opposition-là qui refait surface sous un qualificatif trompeur de « professionnel », munie d’un plan électoraliste disons boiteux, sur fonds d’arguments fallacieux la liant viscéralement au régime chancelant de Faure Gnassingbé.

Pourquoi ces opposants du ventre, sans foi, s’obstinent à limiter, chaque fois, la volonté du peuple à une poignée de sièges à l’assemblée nationale ? En tout cas, ils doivent l’avoir déjà appris, s’ils sont à l’écoute de l’opinion, qu’au lendemain de sa création, ARC-EN-CIEL se présente sous des couleurs très pales. Qu’il est déjà périmé avant de se faire voir dans le ciel togolais. Tant ses fondateurs ont déjà montré de quoi ils sont capables !

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Kodjo Epou est journaliste et chroniqueur pour différents médias, spécialisé sur l'Afrique et/où d'investigation. Il est aussi spécialiste de Relations Publiques
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