Togo : inquiétante augmentation des prix au grand marché de Lomé


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Les revendeuses du marché de Lomé, au Togo, ont profité de la ruée vers leurs étales pour gonfler leurs prix. Cet engouement, ces dames le doivent aux craintes de la population. Si les fraudes des fraudes étaient avérées lors du scrutin présidentiel de ce jeudi, la violence risquerait à nouveau de secouer le pays. Reportage.

Au grand marché, mercredi, tous les prix sont en augmentation. Fruits. Légumes. Viandes. Poissons. Comptez, par exemple, 6000 F CFA pour deux gros poissons vendus en morceaux, au lieu de 4000 F. 1000 F le grand paquet de sucre, pour 900 F en temps normal. Ou encore 1000 F pour 40 oignons, au lieu de 600 F. « A la fin de mes courses, je n’avais plus d’argent pour les oignons, je n’ai pu en acheter que 20 » affirme Victoire, 50 ans. De plus, les frontières terrestres sont fermées depuis mardi, au soir, en prévision des présidentielles du 4 mars 2010. D’habitude, ces clôtures interviennent le jour-même du scrutin. Elles entraînent la hausse du prix des doévi, petits poissons fumés et séchés, dont les grossistes viennent principalement du Ghana voisin.

Et impossible de négocier les prix. La pratique, d’habitude monnaie courante, ne fonctionne plus ces jours-ci, veille des présidentielles du 4 mars 2010. « C’est dur, même si tu fais mine de t’en aller à l’annonce du prix de la vendeuse, celle-ci ne te retient pas comme en temps normal car elle sait qu’elle a le dessus sur nous autres acheteuses. Partout dans le marché, les prix sont les mêmes », affirme Kekeli, 38 ans. A l’approche des présidentielles, toutes les revendeuses du marché d’Adawlato, situé au centre-ville de la capitale de Lomé, augmentent les prix des denrées alimentaires. Car, à Lomé, chacun se ravitaille par peur d’éventuels troubles qui les empêcheraient de sortir de chez eux. Même les organisations internationales présentent sur le territoire préconisent discrètement à leurs employés de prévoir de quoi boire et manger durant quelques jours. Et certaines d’entre elles leurs ont donné une journée de « congé » à la veille du scrutin. Histoire de se préparer à des heures plus difficiles ? « A l’approche des présidentielles, et malgré les nombreux appels au calme de cette année, la méfiance règne. C’est une évidence » explique Yao, ancien employé de bureau à la retraite, croisé dans les allées empierrées du grand marché. « Nous préférons tous mettre de la nourriture de côté juste au cas où ».

Même les ménages les plus pauvres font des provisions

D’habitude moins fréquenté durant l’après-midi, le marché reste cette fois obstinément noir de monde. Les dames se pressent entre les étales vertes, jaunes et rouges. Par là, des tomates vendues par lots. Ici du gombo (légumes verts gluants) vendu par petits paquets de 25 à 50 F CFA. Plus loin, du poisson vendu par morceaux. Elles achètent uniquement des aliments à la conservation facile, type poissons séchés, farine de maïs – utile pour préparer du akoumé, plat phare du pays composé d’une boule chaude et molle accompagnée d’une sauce – gali (farine de manioc), haricots. A l’accoutumé, ce sont surtout ceux qui souhaitent acheter en quantité importante qui fréquentent ces allées à cette période de la journée. Les prix y sont alors plus abordables qu’en matinée et les marchandes, plus ouvertes à des négociations importantes. Soucieuses d’écouler leur stock avant de rentrer chez elles. Mais, cette fois, ces mères de familles doivent subir les hausses de prix. Même si elles s’en plaignent. « C’est injuste de profiter de notre peur pour augmenter les prix. En plus, aucune négociation n’est possible alors que nous avons besoins de ses denrées pour faire face durant une semaine ou deux si nous ne pouvons sortir de la maison », raconte Affi, les mains remplies de sacs noirs. Et les prix ont également augmenté dans les principaux magasins d’alimentation, tels que Ramco et Champion.

Eau, huile, haricots, poissons. Rien ne manque dans les foyers. Mêmes les plus modestes font un effort supplémentaire. Cela, pour parer à une éventuelle flambée de violence, toujours possible malgré les appels répétés à la « non-violence » des spots publicitaires et du gouvernement en place. Avec appréhension, les Togolais se souviennent des contestations des résultats des présidentielles et des quelque 800 morts qui les suivirent en avril 2005. A cette date, Faure Gnassingbé était ressorti vainqueur avec 60,6% des voix, devant Bob Akitani, candidat de l’opposition. Pour la population, cette situation difficile avait empêché la plupart des régions du pays de mener une vie normale durant plusieurs jours. A cette période, les bonnes dames du marché le plus important du pays avaient déjà gonflé leurs prix. Une « coutume » vénale mais courante au pays des Eperviers.

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