
Le Tchad pleure l’une de ses voix les plus puissantes. Ray’s Kim EDM, figure du bunda hip-hop et artiste engagé, s’est éteint à 36 ans, laissant derrière lui une empreinte indélébile. Poète du peuple, il a su transformer la colère et les espoirs de la jeunesse en hymnes de liberté. De la scène musicale à l’arène politique, il a toujours porté haut la dignité et la justice. Sa disparition bouleverse un pays qu’il n’a cessé d’aimer et de défendre, micro en main.
La scène musicale et politique tchadienne est en deuil. Ray’s Kim EDM, de son vrai nom Djasrabé Kimassoum Yilmian, est décédé ce mardi 7 octobre 2025, des suites de maladie. À seulement 36 ans, celui que l’on surnommait le “Bundaboss” laisse derrière lui un héritage artistique et citoyen immense. Figure du bunda hip-hop et porte-parole du peuple, il aura marqué toute une génération par son engagement, sa plume et son courage.
Un artiste aux multiples visages
Né à N’Djamena en 1989, Ray’s Kim EDM découvre très tôt sa passion pour la musique et l’écriture. Après la mort de son père, il trouve dans l’art un refuge et un moyen d’expression. En 2000, il cofonde le groupe Jeunes Rayons Solaires, avant de se lancer en solo en 2006. Très vite, son talent et ses textes engagés lui valent une reconnaissance nationale.
Finaliste du festival Gabao Hip-Hop en 2009, il sort son premier album, Le Bilan, un an plus tard. Ce projet audacieux dénonce sans détour la corruption, les inégalités et la mauvaise gouvernance. En 2012, sa rencontre avec le chanteur Mawndoé marque un tournant : ensemble, ils donnent naissance au style bunda hip-hop, une fusion entre rap, slam et langue bunda, l’argot de N’Djamena.
Le “Bundaboss”, pionnier d’un mouvement culturel
Avec le bunda hip-hop, Ray’s Kim EDM crée bien plus qu’un genre musical : il forge une identité culturelle. Son style mêle rythmes urbains et paroles populaires, capturant l’énergie de la jeunesse tchadienne. Des titres comme Baba, Clandoman ou On est fâchés deviennent des hymnes pour une génération en quête de dignité.
En 2016, il sort l’album Bunda Phénomène, qui confirme sa place au sommet du rap tchadien. Récompensé à plusieurs reprises, meilleur artiste aux Dari Awards et aux N’DjamVi, il s’impose comme une voix incontournable du pays.
Un artiste devenu homme politique
Ray’s Kim EDM n’a jamais dissocié art et engagement. Porte-voix de la jeunesse, il rejoint le parti Les Transformateurs dirigé par Succès Masra. Présent sur le terrain lors des grandes mobilisations, notamment lors du “jeudi noir” d’octobre 2022, il est blessé par balle tout en continuant à chanter pour la liberté et la justice.
En 2024, il est nommé conseiller national de transition, tout en poursuivant sa carrière musicale. Dans ses derniers titres, comme Libérez-le, plaidoyer pour la libération de Succès Masra, il mêlait toujours revendication politique et message d’unité nationale.
Une disparition qui bouleverse le Tchad
La nouvelle de sa mort a suscité une immense émotion. Sur Facebook, Succès Masra a exprimé une “tristesse indescriptible”, saluant un “brave des braves” et un “combattant du Tchad de dignité et de respect pour tous”. Le porte-parole du gouvernement, Gassim Chérif, a parlé d’une “perte immense”, tandis que le ministère de la Culture a rendu hommage à une “icône de la scène musicale tchadienne”.
Artistes, fans et militants politiques ont unanimement salué celui qui avait su “parler au nom du peuple”. Dans les rues de N’Djamena, sa voix continue de résonner, symbole d’un espoir que rien ne pourra étouffer.
Un héritage vivant
Ray’s Kim EDM laisse derrière lui une œuvre vibrante et un message clair : la musique peut être un instrument de conscience et de transformation sociale. Pionnier, poète et patriote, il aura su faire du micro une arme pacifique au service de la vérité.
Son nom restera gravé dans l’histoire du Tchad comme celui d’un artiste-éveilleur, d’un citoyen courageux et d’un porte-étendard de la jeunesse africaine. Son dernier message, “C’est le peuple”, résume à lui seul toute sa vie : celle d’un homme qui n’aura jamais cessé de croire en la force et la dignité de son pays.