Tchad : le mystère Ibni Oumar Mahamat Saleh


Lecture 4 min.
arton24717

Qu’est-il arrivé au célèbre opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat Saleh ? Le 2 février 2008, la capitale N’Djamena est envahie par les troupes rebelles de Mahamat Nouri, ancien proche d’Hissène Habré. Le lendemain, Ibni Oumar Mahamat Saleh est enlevé à son domicile. Quatre ans plus tard, le mystère plane toujours autour de sa disparition.

Nous sommes le 2 février 2008, la bataille de N’Djamena, la capitale du Tchat, est lancée. Mahamat Nouri, alors à la tête de la principale rébellion tchadienne tente de s’emparer de la capitale avec comme objectif le renversement du président Idriss Deby Itno. En vain. Les affrontements auront fait plus de 160 morts et plusieurs centaines de blessées. Les rebelles sont repoussés hors de la ville dès le lendemain, le 3 février, sans doute avec à l’aide de la France[Lire l’article : [La France a-t-elle aidé le Tchad à mater les rebelles ?]]. Ce soir-là, entre 19 et 20 heures, Ibni Oumar Mahamat Saleh, le président du Parti pour les libertés et le développement (PLD) est enlevé à son domicile comme deux autres opposants politiques, dont Ngarlejy Yorongar qui, libéré 20 jours plus tard, a accusé la garde présidentielle de l’avoir séquestré. A ce jour, Ibni Oumar Mahamat Saleh est le seul parmi les opposants kidnappés à ne pas avoir recouvré sa liberté. Le président Idriss Deby Itno est directement mis en cause par l’opposition. Tous l’accusent d’avoir fait assassiner Ibni Oumar Mahamat Saleh.

Aucune preuve n’a pu déterminer la participation du président tchadien aux enlèvements, mais il est permis de se demander comment des militaires de la garde présidentielle, dans un régime où le pouvoir est fortement centralisé, pourraient, sans l’aval du président de la République, orchestrer de tels enlèvements ? D’autant plus que ce fameux dimanche 3 février, la présidence était le seul lieu opérationnel de la capitale où les autorités s’étaient retranchées à la suite de l’assaut rebelle.

Où en est l’enquête ?

Cela fait maintenant quatre ans jour pour jour que sa famille est dans l’attente des résultats de l’enquête. Pour le fils d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, Hicham, les dernières nouvelles sur l’enquête ne sont pas réjouissantes, rapporte RFI. « Dernièrement, j’ai eu vent d’un rapport commandé par l’Union européenne qui disait qu’on se dirigeait vers un non-lieu. J’espère qu’on n’en arrivera pas là parce que là, ce serait très grave. Ce serait grave même en matière des droits de l’homme. On a l’impression que la justice tchadienne également, prend ce dossier comme si c’était un détail, [lire l’article de 2008 : [Pour Deby, les opposants tchadiens enlevés sont « des détails ».]] et c’est très grave ».

Côté tchadien, le ministère de la Justice tout comme le garde des Sceaux, Abdoulaye Sabré Fadoul, affirment que « le juge d’instruction n’a inculpé personne pour le moment, mais il n’a pas non plus prononcé un non-lieu ou classé le dossier. Donc l’enquête suit normalement son cours, et nous avons plus que tout autre intérêt à ce qu’un jour, la vérité judiciaire soit dite ».

Clément Boursin, responsable des programmes Afrique à l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France), rappelle sur huffingtonpost qu’en mars 2010, l’Assemblée nationale française votait à l’unanimité une résolution demandant au gouvernement français de faire pression sur les autorités tchadiennes afin que toute la lumière soit faite sur la disparition cet opposant. Et bien qu’à la fin de l’année 2010 le Tchad ait autorisé la venue d’experts internationaux pour mener l’enquête, aucune avancée significative n’a été observée. Clément Boursin estime que celle-ci se dirige vers un non-lieu.

Il précise que la France n’a pas souhaité s’engager directement dans le suivi de cette affaire qui « a laissé l’OIF et l’UE s’empêtrer dans ce fiasco juridico-politique ». Une situation embarrassante pour les autorités françaises. En 2008, des conseillers militaires français entouraient la présidence tchadienne pendant les combats et l’enlèvement d’Ibni Oumar Mahamat Saleh.

Dans l’espoir d’obtenir plus d’informations sur la disparition de l’opposant tchadien, l’opposition et les proches d’Ibni Oumar Mahamat Saleh se sont réunis aujourd’hui pour lui rendre hommage.

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News