Supporter lyonnais agressé pour un drapeau algérien au Groupama Stadium : l’OL condamne


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drapeau de l'Algérie
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Un adolescent de 17 ans a été agressé vendredi soir lors du match OL-Angers pour avoir déployé le drapeau algérien en hommage à Rachid Ghezzal. Cet incident révèle les tensions croissantes autour de la question algérienne en France, alimentées par un climat politique délétère venant de l’Extrème droite.

Vendredi 20 septembre, lors de la victoire de l’Olympique Lyonnais face à Angers (1-0), un jeune supporter de 17 ans a vécu un cauchemar dans les tribunes du Groupama Stadium. Seul dans le virage sud intermédiaire, il avait décidé de déployer un drapeau algérien vers la 15e minute de jeu pour saluer le retour de Rachid Ghezzal, l’international algérien formé à Lyon qui est revenu à l’OL quelques semaines plus tôt.

Ce geste de soutien, parfaitement autorisé par le règlement du stade qui permet de brandir les drapeaux des nationalités des joueurs du club, s’est rapidement transformé en cauchemar. Deux individus se sont approchés du jeune homme, lui ont arraché le drapeau des mains et ont proféré des insultes racistes : « On est en France, à Lyon », « Tu n’as rien à faire ici » et « Tu vas avoir des problèmes« .

L’Olympique Lyonnais a confirmé l’intervention des stadiers et a encouragé la victime à porter plainte, se déclarant « à ses côtés » dans cette démarche. Le club a rappelé que le règlement du Groupama Stadium autorise explicitement le port de drapeaux étrangers lorsqu’ils sont associés à un joueur de l’équipe.

L’importance historique des joueurs algériens à Lyon

Cette agression prend une résonance particulière au regard de l’histoire riche et complexe entre l’Olympique Lyonnais et l’Algérie. Depuis sa création, le club rhodanien a compté de nombreux joueurs algériens dans ses rangs, contribuant significativement à son développement et à ses succès.

Dès 1951, Abdelhamid Kermali devenait l’un des premiers attaquants de l’Olympique Lyonnais nouvellement créé, marquant le début d’une longue tradition. Plus récemment, des joueurs comme Houssem Aouar, né à Lyon de parents algériens, ont incarné cette double appartenance, formés au club avant de représenter l’Algérie en sélection nationale.

Mais c’est sans doute Karim Benzema qui incarne le mieux cette relation particulière entre Lyon et l’Algérie. Le « gone algérien par excellence« , formé au club depuis l’âge de 9 ans, a grandi dans les quartiers lyonnais avant de devenir l’un des plus grands buteurs de l’histoire du football mondial. Bien qu’il ait finalement choisi de représenter la France en équipe nationale, Benzema n’a jamais renié ses origines algériennes ni son attachement à l’OL, restant une figure emblématique de cette double identité franco-algérienne si caractéristique de Lyon.

Rachid Ghezzal lui-même symbolise parfaitement cette histoire commune. Né à Décines-Charpieu, formé à l’OL, il a choisi de représenter l’Algérie en équipe nationale tout en gardant un attachement profond à son club formateur. Son retour en septembre 2025, après huit années d’absence, était censé être célébré par tous les supporters lyonnais.

La tradition veut que les supporters puissent exprimer leur soutien aux joueurs en déployant les couleurs de leur pays d’origine. Cette pratique, largement acceptée pour les drapeaux argentins (Tagliafico), brésiliens ou d’autres nationalités, deviendrait soudainement problématique quand il s’agit de l’Algérie. A quelques kilomètres de la, chez le grand rival de Saint-Etienne, les choses se passent différemment, le club saluant même avec Mahmoud Jaber un joueur ayant la particularité d’être isralien et palestinien ! Et pour revenir à l’Algérie, Rachid Meklhoufi, le capitaine emblématique de Saint-Etienne et de l’équipe nationale du FLN avait été acceuilli sous les applautissements à son retour dans le Chaudron malgré la guerre d’Algérie ! Une période de tension pourtant beaucoup plus forte qu’aujourd’hui entre les deux pays.

Un climat politique toxique

Cette agression lyonnaise s’inscrit dans un contexte politique français particulièrement tendu, marqué par une escalade de déclarations anti-algériennes de la part de certains responsables politiques. Au premier rang desquels Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, qui depuis sa nomination en septembre 2024 a fait de l’Algérie sa cible privilégiée.
Retailleau a multiplié les sorties virulentes contre l’Algérie. Ses déclarations répétées sur les ressortissants algériens, ses menaces de dénoncer les accords de 1968, et sa « diplomatie du bulldozer » soutenue par l’extrème droite française ont créé un climat délétère qui dépasse largement les questions diplomatiques pour contaminer la société française.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a même déclaré que « tout ce qui est Retailleau est douteux compte tenu de ses déclarations hostiles et incendiaires envers notre pays« , illustrant l’ampleur des dégâts causés par cette approche agressive.

Ces déclarations politiques ont des conséquences directes sur le terrain. Elles légitiment et encouragent les comportements racistes, comme l’illustre tragiquement l’agression du jeune supporter lyonnais. Quand des responsables politiques stigmatisent quotidiennement une communauté, les actes de rejet se multiplient dans l’espace public, y compris dans les stades.

L’influence néfaste de l’extrême droite

Cette normalisation du discours anti-algérien trouve un écho particulier dans certains milieux ultras. Si la majorité des supporters lyonnais reste attachée aux valeurs de respect et de diversité, des éléments radicaux semblent gagner en influence. L’émergence de groupuscules comme « Columna », identifié comme une antenne néofasciste illustre cette préoccupante évolution.

Les enquêtes journalistiques révèlent la présence d’éléments d’extrême droite qui tentent de s’implanter dans les tribunes, profitant parfois de la tolérance de groupes plus importants. Ces infiltrations, bien que minoritaires, peuvent suffire à créer un climat d’intimidation pour les supporters d’origine maghrébine.

Les responsables politiques qui attisent les tensions avec l’Algérie portent une lourde responsabilité dans la normalisation de ces comportements racistes. Leurs déclarations ont des conséquences concrètes sur la vie quotidienne des Français d’origine maghrebines.

Le football, qui a toujours été un espace de brassage et de célébration de la diversité, ne peut pas devenir un théâtre de l’exclusion raciale. L’Olympique Lyonnais, fort de son histoire multiculturelle, doit rester vigilant face à toute tentative d’infiltration par des éléments radicaux et réaffirmer avec force ses valeurs d’inclusion. Avec cette agression, c’est toute une partie de l’histoire française et de l’identité lyonnaise qui est attaquée.

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Amadou Atar est une référence dans le monde du football africain. Il est précis et objectif dans ses articles, même si on ne peut lui enlever un penchant historique pour le mythique club français de Saint-Etienne où sont passés plusieurs des plus grands joueurs africains de l'histoire
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