Soudan : L’onde de choc des atrocités d’El-Fasher


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El Fasher
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Après dix-huit mois de siège, la chute d’El-Fasher aux mains des Forces de soutien rapide révèle une vague d’atrocités contre les civils. L’ONU et la Croix-Rouge dénoncent des exécutions, viols et massacres de masse dans la dernière grande ville du Darfour. Face à l’horreur, la communauté internationale est appelée à sortir de son silence.

Le silence imposé sur la ville d’El-Fasher, tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR) dimanche dernier après dix-huit mois de siège, commence à se fissurer, laissant apparaître l’horreur. L’Organisation des Nations unies (ONU) et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont exprimé ce vendredi une « vive inquiétude » face aux informations faisant état de violations massives des droits humains commises par les paramilitaires pendant et après la prise de la dernière grande ville du Darfour qui échappait encore à leur contrôle. Des « atrocités » qui, selon les premières indications et témoignages, auraient fait « des centaines » de victimes civiles.

Témoignages effroyables et bilan humain

Malgré la coupure des communications qui a suivi la chute d’El-Fasher, des détails « effroyables » commencent à émerger, selon Seif Magango, porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH). Des survivants « terrifiés » ayant réussi à atteindre la localité voisine de Tawila ont rapporté des faits glaçants : exécutions sommaires, massacres, viols, pillages, enlèvements et déplacements forcés. Le HCDH a reçu des vidéos et d’autres images « choquantes » confirmant ces violences. M. Magango estime que le nombre de personnes tuées pourrait se « chiffrer par centaines ».

L’horreur a même frappé les structures de soins. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a vérifié qu’au moins 460 personnes ont été tuées dans une maternité d’El-Fasher, qui était le seul hôpital encore partiellement opérationnel dans la ville. Entre dimanche et mercredi, plus de 62 000 civils ont fui la ville, où des dizaines de milliers sont toujours piégées.

L’onde de choc des violences sexuelles

Les informations sur les violences sexuelles sont particulièrement alarmantes. Le HCDH a dénoncé des viols collectifs perpétrés par des membres des FSR. Au moins 25 femmes auraient été victimes de ces agressions lorsque les paramilitaires sont entrés dans un abri pour personnes déplacées près de l’université. Des témoins ont confirmé que des membres des FSR ont « sélectionné des femmes et des filles et les ont violées sous la menace d’une arme », avant de forcer les autres personnes déplacées à fuir les lieux.

La présidente du CICR, Mirjana Spoljaric, a déploré que des lieux destinés à sauver des vies soient devenus des « lieux de mort et de dévastation ». Elle a fermement déclaré que « rien ne saurait justifier les abominables violations des règles de la guerre dont nous sommes témoins au Soudan ».

Dans un appel vibrant à l’action, elle a dénoncé « les horreurs indicibles que subissent les civils au Soudan », estimant que « le monde ferme les yeux ». La présidente du CICR a insisté sur l’urgence d’agir « avec force et détermination pour mettre un terme à ces atrocités. Le monde ne peut pas rester les bras croisés ».

L’amorce d’une riposte, l’exigence de justice

Face à l’ampleur des accusations et des preuves, le chef des FSR, Mohammed Hamdan Daglo, a tenté de désamorcer la crise en annonçant l’ouverture d’enquêtes sur les agissements de certains de ses paramilitaires. Cette annonce a été suivie, tard jeudi, par l’information de plusieurs arrestations, dont celle d’un combattant surnommé Abou Loulou, dont l’authenticité de vidéos le montrant exécuter des personnes non armées a été confirmée.

Toutefois, le Haut-Commissariat des Nations unies exige davantage. Il réclame des « enquêtes indépendantes, rapides, transparentes et approfondies » sur toutes les violations présumées du droit international, ainsi que l’obligation pour leurs auteurs de « rendre des comptes ». La tragédie d’El-Fasher accentue la pression internationale pour que justice soit faite au Soudan.

Maceo Ouitona
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Maceo Ouitona est journaliste et chargé de communication, passionné des enjeux politiques, économiques et culturels en Afrique. Il propose sur Afrik des analyses pointues et des articles approfondis mêlant rigueur journalistique et expertise digitale
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