Sommet d’Addis-Abeba : de grandes promesses, mais toujours la même inaction


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Antonio Guterres, Secrétaire général de l'ONU
Le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres

Le deuxième sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, tenu à Addis-Abeba du 28 au 29 juillet 2025, aurait pu marquer un tournant historique dans la lutte contre la faim, le changement climatique et l’injustice alimentaire. Pourtant, derrière les discours inspirants, les déclarations solennelles et les photos de dirigeants unis, plane une impression tenace : celle d’un énième rendez-vous mondial marqué par des intentions nobles, mais une paralysie persistante dans l’action concrète.

Cinq ans. C’est tout ce qu’il reste avant l’échéance des Objectifs de développement durable (ODD) en 2030. Et pourtant, les systèmes alimentaires mondiaux restent défaillants : près de 735 millions de personnes souffrent encore de la faim, l’agriculture est responsable d’environ un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et les petits producteurs, qui nourrissent la majorité du globe, continuent d’être marginalisés. Face à cela, l’urgence ne devrait plus faire débat. Mais au lieu d’une mobilisation immédiate, Addis-Abeba a offert une scène pour la répétition des promesses passées, agrémentées de quelques termes à la mode : innovation, intelligence artificielle, inclusion.

Dénonciation d’une gouvernance déséquilibrée et trop opaque

Ce sommet, coorganisé par l’Éthiopie et l’Italie, a rassemblé un éventail impressionnant d’acteurs : chefs d’État, agences de l’ONU, chercheurs, ONG, agriculteurs, représentants du secteur privé. Une telle diversité devrait être une force. Pourtant, elle s’est transformée en une cacophonie où les voix les plus puissantes, celles des multinationales agroalimentaires et des gouvernements du Nord, ont une fois de plus dominé la partition.

La société civile ne s’y est pas trompée. Des organisations comme Slow Food ou Oxfam ont publiquement dénoncé une gouvernance déséquilibrée et trop opaque, qui donne un poids démesuré à des intérêts industriels bien éloignés des réalités des paysans. Les défenseurs de l’agroécologie et des savoirs autochtones peinent à se faire entendre dans un espace saturé par la rhétorique technocratique, vantant l’agriculture de précision et les modèles agro-industriels comme solutions universelles.

L’appel vain du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed

Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a beau avoir rappelé que « la nourriture est mémoire, identité et souveraineté nationale », ses propos, bien que sincères, risquent de rester lettre morte si les dynamiques de pouvoir mondiales ne changent pas. La souveraineté alimentaire des pays africains ne se construira pas sur des investissements étrangers pilotés par des logiques de rendement et d’exportation, mais sur un soutien massif aux agricultures locales, sur la reconnaissance des droits fonciers, et sur l’écoute des besoins exprimés à la base.

Ce sommet aurait pu être l’occasion de corriger la trajectoire. Il aurait pu faire émerger un consensus autour d’un financement public à grande échelle pour soutenir les transitions écologiques et sociales des systèmes alimentaires. Il aurait pu imposer des règles contraignantes sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, afin de garantir un revenu juste aux producteurs. Il aurait pu poser les bases d’une gouvernance mondiale plus équitable, capable de tenir les grandes entreprises responsables de leurs impacts sociaux et environnementaux. Il n’en a rien été.

Addis-Abeba, un sommet de plus ?

La déclaration finale, attendue ce 29 juillet, promet sans doute de réaffirmer des « engagements collectifs ». Mais l’histoire récente nous a appris à nous méfier de ces mots. Où sont passés les engagements du sommet inaugural de 2021 ? Combien ont été suivis d’effets concrets ? Où est l’ambition réelle pour corriger un système qui produit abondamment… mais ne nourrit pas équitablement ?

Il est temps de cesser de célébrer l’illusion du progrès. Tant que les décisions continueront à être prises dans des espaces dominés par les puissants, sans contre-pouvoir réel, les systèmes alimentaires mondiaux resteront inéquitables, destructeurs, et insoutenables. Addis-Abeba aurait pu être un signal fort. Elle restera, sauf surprise, un sommet de plus sur la longue liste des occasions manquées.

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