Sénégal : vives réactions des ONG après un nouveau cas de torture perpétré par les forces de l’ordre


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Les cas de décès chez les prévenus, souvent liés à des problèmes de tortures dans les casernes et commissariats, sont devenus récurrents dans le pays. Après la mort, dans la nuit de dimanche à lundi, d’un sourd-muet battu à mort à son arrestation, les associations de défense des droits de l’Homme n’excluent pas de porter l’affaire devant la Cour pénale internationale (CPI) afin que les responsables soient jugés et punis.

(De notre correspondant)

Le dernier cas remonte à dimanche soir, dans la ville de Kédougou, à l’Est du pays. Mamadou Sidibé, le grand frère de la victime, a pu être contacté par Afrik.com : « C’est dans la soirée que les gendarmes, en civil, sans mandat d’arrêt ni de perquisition, ont fait une descente musclée à notre domicile. Ces derniers ont accusé mon jeune frère, qui est sourd-muet, d’être un trafiquant de chanvre indien (cannabis). Ils voulaient l’embarquer de force. Il s’est opposé parce qu’il n’entendait pas, ni ne comprenait, ce que disaient les gendarmes. Mais ceux-ci étaient très remontés et n’ont pas voulu comprendre les choses. Mon jeune frère (…) a été torturé devant nous malgré nos protestations (…) ».

Selon nos informations, le jeune homme aurait même été traîné sur une trentaine de mètres, avant d’être ligoté par les gendarmes, parce qu’il refusait d’obéir. Il serait mort peu de temps après, en détention, dans les locaux de la gendarmerie.

Des manifestations en signe de protestation

L’annonce de sa mort a suscité une vive tension dans la ville, lundi, où des habitants se sont rassemblés devant la gendarmerie avec le corps de Kékouta Sidibé pour manifester leur colère et appeler à la vengeance. Les forces de l’ordre y répondaient par des jets de grenades lacrymogènes, blessant un jeune manifestant. La situation était très tendue dans cette ville de l’extrême sud-est du Sénégal, où le jeune Sina Sidibé avait aussi été abattu d’une balle dans la tête par les gendarmes, lors d’une manifestation qui a eu lieu en décembre 2008.

Les ONG exigent une enquête

Dans un communiqué rendu public, Amnesty International Sénégal, la Ligue sénégalaise des Droits de l’Homme (LSDH) et la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO) condamnent la pratique de la torture et des mauvais traitements qui sont ancrées au sein de la police et de la gendarmerie sénégalaise. Ces trois organisations de défense des droits de l’Homme se disent indignées par la mort de Kékouta Sidibé, « suite à des actes de tortures et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants perpétrés par des gendarmes de la brigade de Kédougou ». Elles exigent l’ouverture immédiate d’une enquête pour déterminer les circonstances exactes de ce décès.

La Fédération sénégalaise des associations des personnes handicapées condamne également cet assassinat. Elle se dit inquiète pour la sécurité de ses membres qui doivent être protégés et non brutalisés par les forces de l’ordre. Elle convoque en réunion d’urgence son directoire dans les prochains jours pour statuer sur la mort de Kékouta Sidibé et sur la conduite à tenir. Pour Yatma Fall, porte-parole de cette association, « les forces de l’ordre doivent garder leur sérénité et doivent garantir la sécurité et la quiétude des populations. Maintenant si ces forces de l’ordre s’attaquent aux handicapés pour les tuer, nous disons que nous sommes inquiets », a-t-il lancé.

Les trois organisations dénoncent ces « crimes odieux » et exigent que les auteurs « soient traduits en justice ». Elles n’excluent pas de saisir la Cour pénale internationale pour faire la lumière sur des dizaines de cas de meurtres dans les commissariats et les casernes de gendarmerie survenus entre 2001 et 2012 au Sénégal.

Le gouvernement se veut ferme

Le gouvernement promet de condamner les coupables. Dans une déclaration à la télévision nationale (RTS), le ministre sénégalais de l’Intérieur Mbaye Ndiaye a annoncé, dans l’après-midi de lundi, qu’une enquête a été ouverte pour faire la lumière sur la mort de Kékouta Sidibé. Il a par ailleurs appelé la population de Kédougou au calme et l’a invitée à faire confiance à la justice du pays.
Au début du mois d’août, une dizaine de membres des forces de sécurité ont été arrêtés pour des cas de meurtres et de tortures de civils pendant leurs détentions préventives.

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