Sénégal : le pain de la discorde


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Les boulangers du Sénégal sont engagés depuis 15 jours dans un bras de fer avec les autorités et les associations de consommateurs, pour augmenter le prix du pain. La population, privée du précieux aliment, a redécouvert le « pain de brousse ».

Au Sénégal, le prix du pain est fixé par l’Etat. Arguant d’une augmentation du prix du blé, avec un sac de farine (50 kg) passé de 14 600 F CFA (22 euros) à 20 600 F CFA (31 euros), les boulangers réclamaient depuis un mois une augmentation du prix de la baguette de pain de 210 grammes. Devant le refus des autorités, ils avaient ensuite tenté un coup de force en décidant de manière unilatérale une hausse de 25 % du prix du pain le 16 septembre 2010. L’État a alors immédiatement réagi en envoyant des patrouilles pour opérer des saisies de marchandise chez les boulangers récalcitrants, et faire respecter le prix réglementaire.

Les boulangers ont alors entamé une grève de plusieurs jours, suivie par la majorité des cinq cents boulangers membres de La Fédération Nationale des Boulangers du Sénégal (FNBS), et privant ainsi les sénégalais de leur pain quotidien.

Une réunion de concertation réunissant les autorités, les associations de consommateurs et la FNBS, a donc été organisée jeudi 23 septembre 2010 par le Conseil Régional de la Consommation de Dakar. Au sortir de cette réunion, deux nouveaux formats de pain dit « social » de 120 et de 180 grammes, coûtant respectivement 100 francs CFA (0.15 euros) et 150 francs CFA(0.23 euros), ont été proposés. Pour Oumar Ly, chef du Service Régional du Commerce de Dakar, « ces nouveaux formats permettront ainsi d’intégrer la hausse de la farine sur le prix du pain sans que le consommateur ne soit affecté ».

Mais, le son de cloche est différent du côté des boulangers. Selon, Amadou Gaye, président de la FNBS, « l’accord porte uniquement sur le grammage de 0,83franc Cfa le gramme. Mais nous restons sur la position consistant à vendre la baguette de 210g à 175 francs Cfa ». Et de rajouter, sur un ton déterminé : « dans l’attente du Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye, pour qu’il prenne le dossier en main, nous allons arrêter la distribution en ne vendant le pain qu’au niveau des boulangeries».

Le « pain de brousse » a le vent en poupe

Cette grève des boulangers n’a pas fait que des malheureux. Les populations ont redécouvert les charmes du « pain de brousse », le fameux « Tapa-lapa ». Sa composition varie selon les endroits, mais on y retrouve toujours de la farine de blé et l’ajout à hauteur d’environ 20% de farines locales, à base de mais, de mil et parfois de niébé (variante du haricot). Dans les marchés de banlieue, les vendeurs ont vu leurs chiffres d’affaires exploser. La vente de ce pain de brousse, officiellement interdite, est mollement réprimée par les autorités, au grand dam des boulangers qui y voient une concurrence déloyale. Pourtant, les conditions sanitaires de production de ces pains de brousse sont plus que douteuses et devraient inquiéter les autorités.

Depuis cette réunion du 23 septembre 2010, c’est le statu quo, et les boulangers fourbissent leurs armes pour mener d’autres actions d’éclat. Les sénégalais étant volontiers frondeurs et prompts à sortir des pancartes et des brassards rouges, il y a peu de chance que le Président Wade cède aux exigences des boulangers. Surtout dans le contexte social actuel particulièrement explosif, marqué par des délestages d’électricité, des pénuries de gaz et une hausse des prix du lait et de l’huile.

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