
Madagascar relance enfin son plus grand projet énergétique : le barrage de Sahofika. Avec l’entrée de l’État au capital du consortium NEHO et le soutien financier de la Banque africaine de développement, le chantier de 200 MW prend un nouvel élan.
Après plus de six ans d’atermoiements, le chantier de la future centrale hydroélectrique de Sahofika sort de l’impasse. L’État malgache vient d’entrer à hauteur de 49 % dans le capital du consortium NEHO, maître d’œuvre du projet. Ce geste politique et financier marque un tournant décisif pour un pays où 70 % à 85 % de la population demeure privée d’électricité. Avec ses 200 MW attendus, Sahofika porte désormais l’espoir d’une souveraineté énergétique et d’un courant plus abordable pour les ménages comme pour les entreprises.
Un montage financier enfin verrouillé
En signant le 13 mai un Share Purchase Agreement avec le Fonds souverain Malagasy, le consortium NEHO, formé des développeurs panafricains Themis et Eranove, accueille l’État comme troisième actionnaire. Cette prise de participation, via 49 % du capital, ouvre l’accès à des prêts concessionnels et crédibilise un budget avoisinant désormais le milliard d’euros. La Banque africaine de développement, cheville ouvrière du deal, s’est engagée à arranger la dette, garantir les paiements de la Jirama et financer les lignes d’évacuation d’énergie vers Antananarivo.
Madagascar souffre d’un déficit chronique : réseaux vétustes, groupes diesel coûteux, délestages quotidiens. En livrant 200 MW d’hydroélectricité « verte », Sahofika doit réduire la facture de la Jirama à moins de 10 centimes d’euro le kWh, contre près de 30 actuellement. L’entreprise publique, exsangue, y voit l’opportunité de redresser ses comptes. À l’échelle nationale, le projet devrait faire bondir le taux d’électrification, moteur indispensable pour l’industrialisation et l’essor des PME rurales.
Lire aussi : Macron à Madagascar : électricité, mémoire coloniale et enjeux géopolitiques dans l’océan Indien
Un chantier colossal au cœur des Hautes Terres
Barrage sur l’Onive, tunnel d’adduction de 4 km, conduites forcées, centrale, 60 km de route d’accès : l’appel d’offres, clos cette semaine, oppose déjà trois groupes – chinois, turc et portugais. Les négociations techniques et environnementales s’annoncent serrées ; la décision finale est attendue d’ici fin 2025 pour un début effectif des travaux au second semestre 2026, si la route progresse sans heurts.
Le vice‑président de la BAD, Kevin Kariuki, l’a martelé à Iavoloha : l’institution financera l’intégralité de la dette et couvrira les risques de paiement. De quoi rassurer les banques commerciales et inciter d’anciens partenaires, refroidis par les retards pré‑Covid, à revenir dans la boucle. En parallèle, Antananarivo veut dynamiser le solaire : 100 MW dès fin 2025, 700 MW supplémentaires visés, afin de diversifier un mix resté très dépendant du fioul.
Un symbole pour la transition énergétique malgache
En faisant de Sahofika la pierre angulaire de son programme « Énergie pour tous », le président Andry Rajoelina espère enclencher une dynamique vertueuse : réduction des subventions au carburant, création d’emplois et industrialisation régionale. Mais la réussite dépendra d’un calendrier respecté et d’une gestion transparente, deux défis majeurs sur une île où les grands projets ont souvent trébuché sur la corruption ou les retards logistiques.
Sahofika n’est plus un mirage : l’entrée de l’État dans le capital et la garantie de la BAD dessinent enfin un financement solide. Si le chantier démarre en 2026, Madagascar pourrait brancher son plus grand barrage avant la fin de la décennie et changer durablement le quotidien de millions d’insulaires. Reste à transformer cette spectaculaire relance en succès concret, afin que l’Onive devienne synonyme de lumière plutôt que de dossiers en souffrance.