
Dans un rapport annuel adopté à l’unanimité vendredi, le Conseil de sécurité de l’ONU réaffirme explicitement le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, marquant un retour au langage onusien traditionnel sur le Sahara occidental. Cette inflexion diplomatique intervient alors que des voix influentes à Washington, menées par l’ancien conseiller de Trump John Bolton, plaident pour un abandon de la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine au profit d’un référendum d’autodétermination.
Réuni vendredi matin pour sa 9 927ᵉ séance, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité le projet de rapport annuel destiné à l’Assemblée générale, qui couvre l’ensemble de ses travaux menés entre le 1ᵉʳ janvier et le 31 décembre 2024. Au-delà de la compilation habituelle, l’exercice a pris une tournure inattendue : un paragraphe consacré au Sahara occidental réaffirme explicitement que « la solution politique doit garantir l’exercice par le peuple sahraoui de son droit à l’autodétermination ».
Une adoption consensuelle
Aucun des quinze membres ne s’est opposé au texte qui a un poids décisif. Depuis la résolution 1754 (2007), le Conseil emploie surtout le registre de la « solution politique réaliste, pragmatique et durable ». Inscrire noir sur blanc le droit à l’autodétermination dans un document de portée générale équivaut à rappeler la référence fondatrice à la Déclaration sur les peuples non autonomes (résolution 1514 de 1960).
C’est en outre une cohérence onusienne qui est renforcée. En effet, le Secrétaire général, dans son dernier rapport sur la MINURSO (octobre 2024), rappelait déjà que toute issue « doit prévoir l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ». Et c’est en phase avec les récente déclaration de la Cour de Justice de la Commission européenne sur ce dossier.
Enfin, c’est un signal diplomatique : La mention survient alors que l’Envoyé personnel, Staffan de Mistura, multiplie les navettes sans parvenir à réunir Maroc, Front Polisario, Algérie et Mauritanie autour d’une même table depuis Genève II (2019).
Premières réactions
- Front Polisario : Des sources diplomatiques proches du mouvement estiment qu’il s’agit d’« un rappel salutaire du cadre juridique » et qu’il « sera difficile, à l’avenir, de diluer la question du référendum ».
- Rabat : Aucune déclaration officielle n’avait encore été publiée ce dimanche.
- Alger et Prétoria : Fidèles au principe de décolonisation, saluent un « pas dans la bonne direction » et appellent à un calendrier clair pour relancer le processus référendaire.
« Le Conseil a examiné la situation au Sahara occidental, réitérant qu’une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable doit garantir l’exercice, par le peuple sahraoui, de son droit à l’autodétermination conformément aux résolutions pertinentes. »
Prochaine étape : rendez-vous en octobre
Le mandat de la MINURSO expire le 31 octobre 2025. Les débats seront d’autant plus scrutés que le rapport annuel, désormais finalisé, pèsera fortement dans la balance. Ainsi, il sera difficile de gommer, dans la future résolution, un principe que le Conseil vient tout juste d’entériner par écrit.
D’ici là, l’Envoyé personnel devrait retourner dans la région pour une troisième tournée régionale – avec l’objectif, encore incertain, d’organiser une table ronde avant la fin de l’été.
Washington face à un possible revirement stratégique
Cette réaffirmation onusienne du droit à l’autodétermination intervient dans un contexte particulièrement sensible pour les États-Unis. Alors que Donald Trump avait reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en décembre 2020 dans le cadre des Accords d’Abraham, des voix influentes au sein de l’establishment républicain plaident désormais pour un retour à la ligne historique américaine favorable à un référendum d’autodétermination.
Dans une tribune récente publiée par le Washington Times, John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump, argue que « la politique américaine devrait revenir à ses origines en soutenant un référendum permettant aux Sahraouis de déterminer leur propre avenir« .
Pour Bolton, cette inflexion permettrait aux États-Unis de contrer l’influence croissante de la Chine et de la Russie en Afrique tout en sécurisant l’accès aux terres rares et aux ressources énergétiques du territoire disputé. Un éventuel revirement de Trump sur ce dossier pourrait transformer radicalement la donne géopolitique régionale et donner une nouvelle impulsion au processus de paix enlisé depuis quinze ans.