
Le continent africain reste confronté à des épidémies récurrentes de rougeole et de rubéole, maladies évitables qui continuent de tuer des milliers d’enfants chaque année. Face à cette urgence sanitaire, le Nigéria vient de lancer la plus ambitieuse campagne de vaccination jamais organisée en Afrique.
Un fléau qui persiste malgré l’existence de vaccins efficaces
La rougeole et la rubéole figurent parmi les principales causes de mortalité infantile en Afrique subsaharienne. Alors que ces maladies ont quasiment disparu dans les pays développés grâce à la vaccination systématique, elles continuent de sévir sur le continent africain où l’accès aux soins reste inégal et la couverture vaccinale insuffisante.
La rougeole, hautement contagieuse, provoque chaque année des dizaines de milliers de décès chez les jeunes enfants, principalement dans les pays à faible revenu. Ses complications peuvent être graves : pneumonies, encéphalites, cécité. Quant à la rubéole, si elle est généralement bénigne chez l’enfant, elle peut avoir des conséquences dévastatrices lorsqu’elle est contractée par une femme enceinte, entraînant des malformations congénitales graves chez le fœtus.
C’est dans ce contexte qu’Abuja a lancé ce lundi 6 octobre 2025 une campagne de vaccination d’une ampleur inédite. L’objectif est colossal : vacciner 109 millions d’enfants âgés de 9 mois à 14 ans contre la rougeole et la rubéole, mais aussi contre le virus du papillome humain (VPH), la polio et d’autres maladies évitables.
Cette initiative, fruit d’une collaboration entre le ministère fédéral de la Santé nigérian, Gavi (l’Alliance du Vaccin), l’UNICEF, l’OMS et de nombreuses organisations de la société civile, représente un investissement de 103 millions de dollars de la part de Gavi. Elle constitue un test grandeur nature de la capacité des systèmes de santé africains à déployer des programmes de vaccination massive et intégrée.
Des défis considérables à relever
Le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique avec plus de 220 millions d’habitants, fait face à des défis structurels majeurs. Selon les chiffres officiels, la couverture vaccinale pour les trois doses du vaccin DTC de base est passée de 27% en 2001 à 67% en 2024, ce qui témoigne de progrès significatifs mais laisse encore plus d’un tiers des enfants sans protection complète.
Les zones rurales et les régions en proie à l’insécurité demeurent particulièrement difficiles d’accès pour les équipes de vaccination. Les infrastructures sanitaires limitées, le manque de personnel formé et les défis logistiques liés à la conservation des vaccins dans un pays au climat tropical compliquent la tâche.
Jessica Crawford, directrice principale du pays pour le Nigéria chez Gavi, souligne que cette campagne est « profondément ancrée dans le leadership du pays » et reflète une « collaboration sans précédent » entre tous les acteurs. Le succès de cette approche centrée sur les besoins locaux pourrait servir de modèle pour d’autres pays africains confrontés aux mêmes défis.
Un enjeu qui dépasse les frontières nigérianes
Au-delà du Nigéria, c’est toute l’Afrique qui est concernée par la lutte contre la rougeole et la rubéole. Plusieurs pays du continent ont connu des flambées épidémiques ces dernières années, révélant la fragilité des acquis en matière de vaccination.
L’expérience nigériane arrive à un moment crucial où Gavi réoriente sa stratégie pour mieux adapter ses programmes aux réalités de chaque pays. Après avoir contribué à vacciner plus de 1,2 milliard d’enfants depuis 2000 et prévenu plus de 20 millions de décès, l’organisation se concentre désormais sur les enfants « zéro dose », ces millions d’enfants qui n’ont jamais reçu la moindre vaccination.
Si cette campagne parvient à atteindre ses objectifs ambitieux, elle pourrait marquer un tournant dans la lutte contre les maladies évitables par la vaccination en Afrique et démontrer qu’avec une volonté politique forte, des moyens adéquats et une coordination efficace, il est possible de protéger massivement les populations les plus vulnérables du continent.