Restitution des biens culturels à l’Afrique : la France s’apprête à simplifier les procédures


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Le Président français, Emmanuel Macron
Le Président français, Emmanuel Macron

La France a décidé d’accélérer  le processus de restitution des biens culturels pillés aux pays africains durant la colonisation. Si la réforme est adoptée, elle pourrait ouvrir un nouveau chapitre dans les relations entre la France et les pays africains, fondé sur le respect du patrimoine, la reconnaissance des blessures du passé et une coopération culturelle renouvelée.

Alors que des milliers de demandes de restitution d’objets culturels ont été adressées à la France par une dizaine de pays, une étape importante semble se profiler. Le gouvernement français entend accélérer le processus de retour des œuvres pillées durant la colonisation, en présentant un nouveau texte en conseil des ministres le 30 juillet. Objectif : simplifier les démarches de déclassement des biens pour les restituer sans devoir passer par une loi spécifique à chaque fois.

Une attente de longue date et des promesses restées en suspens

En 2017, lors d’un discours à Ouagadougou, Emmanuel Macron avait suscité de grands espoirs en affirmant vouloir restituer « sans tarder » le patrimoine africain conservé dans les musées français et issu de la période coloniale. Depuis, cette ambition n’a toutefois été que partiellement concrétisée. Six ans plus tard, seuls 27 objets ont été officiellement restitués, dont 26 au Bénin en 2021. Une goutte d’eau dans l’océan des milliers de pièces réclamées par une dizaine de pays, dont l’Algérie, la Côte d’Ivoire, Madagascar ou encore le Sénégal.

Chacune de ces restitutions nécessite aujourd’hui l’adoption d’une loi spécifique votée par le Parlement, rappellent les journaux français. Une procédure lourde et chronophage, qui freine considérablement le rythme des retours et limite les engagements pourtant pris au plus haut sommet de l’État. Conscients de cette inertie, les services du Premier ministre ont confirmé à plusieurs médias français qu’un texte devrait être présenté le 30 juillet en conseil des ministres. Cette réforme vise à permettre le déclassement des œuvres à restituer par décret en Conseil d’État.

Vers une réforme juridique attendue

Concrètement, cela signifierait qu’il ne serait plus nécessaire de passer par une loi pour sortir un objet des collections publiques, condition aujourd’hui indispensable pour toute restitution. Ce changement de procédure représenterait une avancée non négligeable pour répondre aux attentes des pays demandeurs. Il permettrait à la France d’être plus réactive et de sortir du cas par cas législatif, souvent accusé de freiner une volonté politique pourtant affichée depuis plusieurs années.

Le moment choisi pour relancer ce dossier est évocateur. Les rendez-vous manqués des dernières années ont mis en évidence un décalage entre les discours politiques et la réalité juridique. L’urgence d’un geste symbolique mais aussi diplomatique se fait sentir, alors que les relations avec certains pays africains sont sous tension. Par ailleurs, la pression internationale et les mouvements de décolonisation mémorielle se sont intensifiés. En Allemagne, en Belgique ou au Royaume-Uni, des initiatives ont vu le jour pour retourner des objets ou des restes humains à leurs pays d’origine.

Un enjeu culturel, diplomatique et éthique

Dans ce contexte, la France, souvent perçue comme en retard, cherche à rattraper son retard et à se repositionner comme un acteur volontaire dans le domaine des restitutions patrimoniales. Le débat sur la restitution des œuvres ne concerne pas seulement les musées ou les historiens. Il touche à la mémoire des peuples, à la réparation symbolique d’injustices passées et aux rapports de pouvoir postcoloniaux. Pour les pays africains demandeurs, le retour de ces objets représente un acte de reconnaissance, d’un retour de dignité, d’un rétablissement partiel de leur histoire culturelle.

Du côté des institutions françaises, notamment les musées, les avis sont parfois partagés. Si certains directeurs de musées soutiennent activement les restitutions, d’autres s’inquiètent de voir leurs collections s’amenuiser. Des craintes existent également quant aux garanties de conservation, de sécurité ou de présentation publique une fois les objets restitués.

Des milliers d’objets concernés

Selon un décompte réalisé en 2023, dix États ont officiellement formulé des demandes portant sur plusieurs milliers d’objets. Il s’agit, pour la plupart, de biens collectés ou arrachés lors des campagnes coloniales et qui se trouvent aujourd’hui dans des musées nationaux, comme le musée du quai Branly – Jacques Chirac, qui abrite une grande partie des œuvres africaines. Le nouveau texte vise donc à poser un cadre plus clair, tout en respectant les principes de transparence et de coopération internationale.

Une fois déclassés par décret en Conseil d’État, les objets pourraient être restitués plus rapidement, dans le cadre d’accords bilatéraux encadrés. Malgré les avancées que pourrait permettre cette réforme, plusieurs zones d’ombre subsistent. Le texte précis n’a pas encore été rendu public, et l’on ignore quels critères seront retenus pour autoriser le déclassement par décret. La crainte est claire : cette mesure risque d’ouvrir la voie à une multiplication des demandes qui mettraient à mal les musées français.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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