
Réélu avec 99,77 % des suffrages exprimés lors du 9ᵉ Congrès extraordinaire du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), Tidjane Thiam a repris ce 14 mai 2025 les rênes d’un parti plus que jamais tourné vers l’échéance capitale de la présidentielle d’octobre prochain. Derrière ce vote quasi unanime, organisé de façon éclatée à travers 45 bureaux à Abidjan, dans les régions et à l’étranger, se joue une partie politique complexe, entre tactique institutionnelle, recomposition interne et bataille juridique.
Tidjane Thiam retrouve son fauteuil présidentiel à la tête du PDCI. Ceci intervient au terme d’une élection qui s’est déroulée à l’occasion du 9e Congrès extraordinaire du plus vieux parti de Côte d’Ivoire.
Un scrutin sans suspense mais hautement symbolique
Candidat unique après l’invalidation de la candidature de son seul adversaire pour dossier non conforme aux statuts du parti, Tidjane Thiam a recueilli 5 190 voix sur 5 202. Ce plébiscite, en apparence formel, revêt une portée stratégique majeure : il consacre le retour au sommet d’un leader dont la légitimité avait été écornée par une bataille judiciaire portant sur sa nationalité, condition sine qua non pour diriger le PDCI.
Cette réélection intervient moins de 48 heures après une décision inattendue : Tidjane Thiam avait annoncé sa démission de la présidence du parti, 17 mois seulement après sa première élection, intervenue en décembre 2023 avec plus de 95 % des voix. Une manœuvre politique visant à contourner les contestations judiciaires initiées par Valérie Yapo, cadre du parti, qui contestait sa qualité de citoyen exclusivement ivoirien, condition exigée par les statuts du PDCI-RDA.
Une bataille juridique au cœur du pouvoir
Le différend portait sur la détention de la double nationalité ivoirienne et française par Tidjane Thiam au moment de son élection à la tête du parti. S’appuyant sur les dispositions de l’article 48 du Code de la nationalité ivoirienne, la justice administrative avait tranché : l’ex-banquier avait perdu sa nationalité ivoirienne lors de son inscription sur la liste électorale en 2022, au profit de sa nationalité française, alors encore en vigueur. Cette décision avait entraîné sa radiation des listes électorales, compromettant non seulement sa présidence du parti, mais également ses ambitions présidentielles.
Pour apaiser les tensions internes et se conformer aux exigences juridiques, Thiam a pris de court la classe politique en annonçant sa démission. Une sortie orchestrée pour préparer un retour rapide. Ernest N’Koumo Mobio, vétéran du parti et doyen d’âge des vice-présidents, a assuré un bref intérim tout en ouvrant une brèche : il a créé le poste de « président délégué », taillé sur mesure pour permettre à Thiam de rester l’homme fort du PDCI malgré sa mise en retrait formelle.
Une légitimité retrouvée, mais une bataille inachevée
Ayant officiellement renoncé à sa nationalité française en mars dernier, Tidjane Thiam a pu reprendre la tête du parti sans encombre, puisqu’il n’a plus que la nationalité ivoirienne. Mais la route vers la Présidentielle de 2025 reste semée d’embûches. Malgré sa réélection à la tête du PDCI, Tidjane Thiam demeure pour l’heure inéligible à l’élection présidentielle, en raison de sa radiation toujours en vigeur des listes électorales. Le retour à la direction du parti ne saurait suffire : c’est désormais sur le terrain juridique et politique que se jouera la suite de sa trajectoire.
« Le PDCI mise sur un certain optimisme politique », analyse Koua Geoffrey, analyste à Abidjan. « Il espère une révision du fichier électoral ou un compromis institutionnel pour permettre à Thiam de se présenter. Mais les obstacles juridiques et politiques restent considérables. Il faudra au PDCI envisager sérieusement un plan B ».
Le pari du rassemblement et de la discipline
Pour les partisans de Tidjane Thiam, cette réélection constitue un signal fort. Pierre Kouamé, cadre du parti, salue une démonstration d’unité : « Il fallait être intelligent et le PDCI a prouvé qu’il est un grand parti. Un parti d’espérance, fondateur de la République, qui se rassemble autour d’un homme à la stature internationale ».
Yoma Fouka Hervé, autre militant influent, va plus loin : « C’est un vote stratégique, comparable à une partie d’échecs jouée à l’échelle internationale. Chaque mouvement est pensé pour repositionner le PDCI dans le jeu électoral ».
Ce choix du consensus interne renforce Tidjane Thiam dans sa posture de chef incontesté, mais il n’efface pas les incertitudes extérieures. La Présidentielle de 2025 s’annonce comme un test politique pour un homme encore nouveau dans l’arène ivoirienne, et pour un parti qui cherche à reconquérir le pouvoir après deux décennies de marginalisation électorale.
Enjeux nationaux et perspectives internationales
La trajectoire de Tidjane Thiam, marquée par une brillante carrière à l’international, notamment à la tête du Crédit Suisse, confère au PDCI un rayonnement renouvelé. Mais ce profil technocratique doit désormais se confronter à la réalité du terrain ivoirien : alliances à bâtir, électorat à mobiliser, lignes de fracture à surmonter, et surtout, un système électoral à déjouer. Derrière cette dynamique interne se dessine une stratégie plus large : repositionner le PDCI comme alternance crédible face au RHDP, parti au pouvoir, dans un contexte où l’opposition peine à s’unir et où le climat politique reste tendu.
En définitive, la réélection de Tidjane Thiam à la tête du PDCI consacre le retour d’un leader dont la trajectoire est intimement liée à la refondation de son parti. Elle témoigne aussi de la capacité du PDCI à se structurer autour d’un homme fort, dans une perspective de conquête du pouvoir. Mais à l’approche de la Présidentielle, cette dynamique reste suspendue à une question majeure : Tidjane Thiam pourra-t-il, juridiquement et politiquement, se porter candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2025 ?
Tant que cette incertitude demeure, le parti avance sur une ligne de crête. En attendant, le retour de Thiam au sommet du PDCI constitue une première victoire. Le combat pour la présidence de la République, lui, ne fait que commencer.