Côte d’Ivoire : Tidjane Thiam démissionne de la présidence du PDCI-RDA pour éviter une mise sous tutelle judiciaire


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Coup de théâtre dans la vie politique ivoirienne ! À cinq mois de l’élection présidentielle d’octobre 2025, Tidjane Thiam a annoncé sa démission surprise de la présidence du Parti démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), dans un contexte de fortes pressions judiciaires. Ce retrait, qu’il qualifie de « stratégique », vise à éviter le placement du parti sous tutelle judiciaire, une manœuvre redoutée par la direction du PDCI-RDA.

Tidjane Thiam n’est plus président du PDCI-RDA. Il a annoncé sa démission avec effet immédiat dimanche soir, laissant la place à un président intérimaire.

Une démission surprise mais calculée

L’ancien patron du Crédit Suisse, arrivé à la tête du parti en décembre 2023 avec la stature de « candidat naturel » pour la Présidentielle, a officiellement remis son mandat dans la nuit du 11 mai. Selon des sources internes, Tidjane Thiam a pris cette décision pour éviter une intervention judiciaire qui aurait pu paralyser l’organisation du parti, dans un contexte où le pouvoir est accusé d’instrumentaliser la justice contre ses opposants.

S’il renonce à la présidence, Tidjane Thiam ne quitte pas pour autant le navire. Il reste au sein du parti en tant que président délégué, un poste nouvellement créé pour lui permettre de continuer à influencer la stratégie politique du PDCI-RDA aux côtés du président par intérim.

Une présidence intérimaire pour apaiser les tensions

Conformément aux statuts du parti, Ernest N’Koumo Mobio, doyen d’âge des vice-présidents, a été désigné président par intérim. Dans une déclaration solennelle, il a appelé à la « cohésion, la discipline et la sérénité », pour préserver l’unité d’un parti fragilisé par cette crise de leadership.

Dès sa prise de fonction, N’Koumo Mobio a convoqué une réunion d’urgence du Bureau politique pour ce lundi 12 mai à 11h, en présence du Comité des sages. Cette réunion devrait être décisive pour l’avenir du parti et pour la désignation d’un éventuel nouveau candidat.

Tidjane Thiam continue de revendiquer sa candidature à l’élection présidentielle. Mais sa radiation de la liste électorale, pour cause de double nationalité franco-ivoirienne, constitue un obstacle majeur. Selon la législation ivoirienne, un citoyen perd sa nationalité ivoirienne dès lors qu’il en revendique une autre. Cette disposition juridique, critiquée par de nombreuses organisations internationales, a été appliquée pour l’écarter.

Actuellement en France, Thiam poursuit sa campagne sur un autre terrain : celui de la communication internationale. Il cherche à dénoncer, dans les médias occidentaux, la dérive autoritaire du Président Alassane Ouattara, accusé de manipuler la justice pour affaiblir ses opposants.

Une opposition fragilisée par les exclusions judiciaires

La situation de Tidjane Thiam s’inscrit dans une tendance inquiétante de judiciarisation du champ politique. Avant lui, plusieurs figures majeures de l’opposition ont été écartées : Laurent Gbagbo, pour un supposé braquage de la BECEAO, bien que l’institution ait nié avoir été victime ; Guillaume Soro, condamné à perpétuité pour tentative de coup d’État ; Charles Blé Goudé, condamné à 20 ans de prison malgré son acquittement par la Cour pénale internationale.

Mais jusque-là, aucune de ces figures de proue de l’opposition ivoirienne ne s’avoue vaincu. Pas plus tard que la semaine dernière, Laurent Gbagbo a même installé un comité chargé de collecter les parrainages comme l’exigent les textes ivoiriens. Comme si de rien n’était.

Le PDCI à la croisée des chemins

La démission de Tidjane Thiam, perçue par certains comme un aveu d’échec, mais par d’autres comme une stratégie politique bien pensée, force le PDCI-RDA à envisager un plan B. Le retour dans les discussions de figures comme Jean-Louis Billon ou Valérie Yapo, longtemps critiques de la candidature Thiam, pourrait redessiner les équilibres internes. Le parti, doyen des formations politiques ivoiriennes, se retrouve contraint de redéfinir son cap stratégique dans l’urgence, au risque de manquer le rendez-vous présidentiel.

Pour Tidjane Thiam, la marge de manœuvre se réduit. Pour le PDCI-RDA, l’heure est à la réorganisation accélérée. Et pour la démocratie ivoirienne, ces événements relancent le débat sur l’indépendance de la justice, la transparence du processus électoral, et l’ouverture du jeu démocratique à une réelle compétition.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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