RDC : sécheresse et afflux de réfugiés en Ituri plongent le territoire d’Aru dans la crise


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Un situation de sécheresse
Sécheresse (illustration)

Depuis mars 2025, le territoire d’Aru, dans la province de l’Ituri, fait face à une sécheresse sévère qui affecte durement les populations locales. Agriculture, élevage, accès à l’eau potable : tout est en crise dans cette région enclavée du nord-est de la République démocratique du Congo, déjà fragilisée par des défis socio-économiques chroniques.

Au nord de l’Ituri, à quelque 260 kilomètres de Bunia, le territoire d’Aru ploie sous les effets d’une sécheresse implacable. Selon le dernier bulletin publié lundi par la coordination provinciale de la protection civile, plusieurs villages sont touchés de plein fouet par une absence prolongée de pluie, qui dure depuis plus de trois mois. Une situation critique qui menace les conditions de vie de dizaines de milliers d’habitants.

Des villages à sec et des champs à l’abandon

Les groupements de Kumuri, Adumi, Drisso, ainsi qu’une partie d’Inzi et Rumu, figurent parmi les plus sinistrés. Dans la chefferie de Kakwa, les témoignages recueillis décrivent des puits asséchés, des champs fissurés et des récoltes anéanties. « Nous ne savons plus quoi faire. Il n’y a plus d’eau, ni pour nous, ni pour nos bêtes », déplore une habitante de Drisso, interrogée par une radio locale.

Le manque d’eau a des répercussions directes sur l’agriculture vivrière, pilier de l’économie locale. Le maïs, le manioc, les haricots — cultures essentielles pour la population — ne poussent plus. Dans les marchés de la région, la disponibilité des denrées alimentaires s’effondre, tandis que les prix flambent. Un sac de manioc, par exemple, a doublé de prix en quelques semaines.

Une crise alimentaire en progression

La pénurie alimentaire s’aggrave à mesure que la sécheresse s’installe. La coordination provinciale de la protection civile tire la sonnette d’alarme : « L’insécurité alimentaire devient préoccupante. Les populations n’ont plus de réserves et les marchés ne peuvent plus être approvisionnés correctement ». Des cas de malnutrition sont déjà signalés, notamment chez les enfants et les personnes âgées.

Les éleveurs ne sont pas épargnés : les pâturages sont secs, les abreuvoirs à sec. Faute d’eau et de fourrage, de nombreux animaux dépérissent, compromettant davantage les moyens de subsistance des ménages pastoraux. « C’est toute une économie locale qui vacille », observe un agent humanitaire basé à Aru.

Une pression accrue avec l’arrivée des réfugiés sud-soudanais

À cette crise climatique et alimentaire s’ajoute une autre réalité difficile : l’afflux de réfugiés venus du Soudan du Sud. Des milliers d’entre eux ont traversé la frontière pour trouver refuge dans les villages d’Aru, fuyant les violences dans leur pays. Selon un bilan présenté début mai par la Commission nationale des réfugiés (CNR), une structure sous tutelle du ministère congolais de l’Intérieur, environ 10 000 réfugiés sud-soudanais ont afflué depuis le mois d’avril vers Aru où ils ont trouvé des familles d’accueil. Mais si leur accueil témoigne de la solidarité remarquable des communautés locales, déjà fragilisées, il ajoute une pression intenable sur des ressources déjà rares.

« Ces familles partagent ce qu’elles n’ont pas. Mais aujourd’hui, même l’eau est devenue un luxe », note un chef de village de Kumuri.

Appel à une réponse humanitaire urgente

Face à cette détresse grandissante, la coordination provinciale de protection civile lance un appel pressant aux agences humanitaires nationales et internationales. L’urgence est d’autant plus grande que les infrastructures locales sont défaillantes et que les moyens de secours sont limités. Eau potable, denrées alimentaires, soins nutritionnels et appui à la relance agricole figurent parmi les besoins prioritaires.

« Il faut agir vite. Si rien n’est fait dans les prochaines semaines, nous risquons de faire face à une catastrophe humanitaire de grande ampleur », avertit un responsable de la coordination. Le territoire d’Aru, longtemps oublié des priorités nationales – en décembre dernier, le député provincial, Antoine Mopepe Agamile, dénonçait encore ce sort réservé au territoire – se trouve aujourd’hui à la croisée des crises : climatique, humanitaire et migratoire. Un cocktail explosif qui nécessite une mobilisation urgente et coordonnée pour éviter le pire.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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