RDC : les trois camouflets infligés par Tshisekedi à Kabila


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Joseph Kabila et Félix Tshisekedi
Joseph Kabila et Félix Tshisekedi

En moins de deux mois, le Président Félix Tshisekedi a infligé trois camouflets à son allié et non moins prédécesseur à la tête de l’État, Joseph Kabila, autorité morale du Front commun pour le Congo (FCC).

Venu au pouvoir dans des conditions floues, à la suite d’un deal entre Joseph Kabila et lui, si on en croit Martin Fayulu, son principal challenger qui continue d’ailleurs de revendiquer sa victoire au scrutin de décembre 2018, Félix Tshisekedi a longtemps été accusé d’être une marionnette entre les mains de son prédécesseur. Le fils d’Etienne Tshisekedi avait souvent été accusé d’être un Président sans réel pouvoir, surtout que l’Assemblée nationale était dominée par le FCC qui en contrôlait le perchoir ; le gouvernement était également dirigé par un cadre du FCC. A plusieurs reprises, Félix Tshisekedi a dénoncé l’attitude de certains ministres qui, bien que faisant partie du gouvernement, n’hésitaient pas à poser des actes de sabotage contre l’exécutif. Le temps s’écoulant, le Président congolais finit par porter trois coups de boutoir à la coalition FCC-CACH et en sonna le glas

Premier acte

Le manque d’harmonie avait amené le Président Tshisekedi à convoquer, du 27 au 28 décembre 2019, à Zongo, un séminaire gouvernemental pour aplanir les difficultés et renforcer la cohésion au sein de l’équipe gouvernementale. À l’ouverture des travaux, Félix Tshisekedi avait déclaré : « C’est ici l’occasion de vider certains malentendus ou interférence que nous avons enregistrés au cours des trois derniers mois. Nos populations vivent, depuis plusieurs décennies, dans des conditions infra-humaines et ne peuvent plus attendre. Chaque jour doit être mis à profit au service de notre peuple. Nous devons faire l’économie des conflits et des divergences sur les contradictions éventuelles qui peuvent intervenir dans le cadre de notre action ».

Des mois après, c’était le statu quo. La cohabitation entre le CACH et le FCC n’a été qu’une succession de crises. Une des conséquences de ces tensions a été la destitution du premier vice-président de l’Assemblée nationale, par ailleurs président par intérim de l’UDPS, Jean-Marc Kabund, le 25 mai 2020. A cette occasion, des ténors de l’UDPS avaient promis de prendre leur revanche sur le FCC. La destitution de Jean-Marc Kabund « ne restera pas sans conséquence politique sur la coalition FCC-CACH », avait déclaré le député UDPS, Tony Mwaba dont les propos se situaient dans la même veine que ceux du secrétaire général du parti, Augustin Kabuya.

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Face à la persistance des tensions, presqu’un an après le séminaire de Zongo, Félix Tshisekedi lance, en novembre 2020, des consultations nationales au cours desquelles il écoute les principales composantes de la société congolaise, des forces politiques aux représentants de la société civile. A l’issue de ces consultations, le chef de l’État congolais annonce, le 6 décembre 2020, la fin de la coalition FCC-CACH. C’est la première gifle à Joseph Kabila.

Deuxième acte

Quatre jours seulement après cette rupture, le vent se retourne contre la coalition de Joseph Kabila. Jeudi 10 décembre 2020, une pétition introduite contre Jeanine Mabunda, présidente FCC de la chambre basse du Parlement, depuis quelques jours aboutit, contre toute attente, à sa destitution. 281 députés ont voté pour son départ alors que seulement 200 s’y sont opposés, dans un Parlement où le FCC est censé jouir d’une majorité écrasante : au moins 300 députés sur un total de 500. Il devenait clair que le mur FCC était fissuré. La majorité basculait en faveur du camp présidentiel. Des élus FCC ont retourné leur veste. Et la tendance va se poursuivre les semaines d’après. L’Union sacrée souhaitée par Félix Tshisekedi est mise en route et enregistre des adhésions, non seulement au cœur du FCC, mais également au sein de l’opposition. Tout était alors en place pour le troisième acte.

Troisième acte

Après la chute spectaculaire de Jeanine Mabunda, il est devenu clair que le chef du gouvernement, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, ne pouvait pas conserver son poste. Sa démission était donc attendue depuis des semaines. Mais rien n’y fit. Pour le pousser à la sortie, le député Chérubin Okende du parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi introduit une motion de censure contre lui, vendredi dernier. Comme s’ils n’attendaient que ça, 301 députés se sont précipités pour y apposer leur signature. Le mardi 26 janvier 2021, était convoquée une plénière pour examiner la motion de censure. En l’absence du Premier ministre en voyage à Lubumbashi où il est allé rencontrer son mentor, Joseph Kabila, l’examen de la motion a été reportée à ce mercredi. Nouvelle absence du chef du gouvernement qui s’est contenté d’adresser une lettre au bureau d’âge. Cette fois-ci, les députés ont décidé d’aller jusqu’au bout. Et ce qui devait arriver arriva. 367 élus ont voté pour sa destitution. Comme le prévoit la Constitution congolaise, Sylvestre Ilunga Ilunkamba doit présenter sa démission au président de la République, dans les 24 heures.

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Avec ce nouvel acte, Félix Tshisekedi a définitivement tourné la page FCC. Il peut se réjouir de s’être débarrassé d’un allié dont il n’a plus réellement besoin. Tout comme il s’est débarrassé d’un certain Vital Kamerhe.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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