RDC : l’opposition vent debout contre l’ouverture d’une information judiciaire contre le cardinal Ambongo


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Le cardinal Fridolin Ambongo
Le cardinal Fridolin Ambongo

La nouvelle de la demande de l’ouverture d’une information judiciaire contre le cardinal Fridolin Ambongo soulève beaucoup de vagues en RDC. Des réactions de protestation surtout.

L’archevêque de Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo, pourrait se retrouver devant les tribunaux dans les semaines à venir. C’est en tout cas le souhait du procureur général près la Cour de cassation de Kinshasa, Firmin Mvonde, qui a ordonné dans la nuit du 27 au 28 avril 2024 l’ouverture d’une information judiciaire contre le prélat. Ce dernier est connu pour ses positions très critiques vis-à-vis de la gouvernance du Président Félix Tshisekedi surtout sur la question de l’insécurité à l’est. C’est d’ailleurs ce qui lui vaut la procédure en voie d’être enclenchée à son encontre.

Le procureur général reproche au cardinal des propos séditieux et l’accuse de « faux bruits, incitation des populations à la révolte et aux attentats contre les vies humaines ». Selon Firmin Mvonde, les propos que tient l’homme d’Église « lors des points de presse, interviews et autres sermons » sont « de nature à décourager les militaires des forces armées congolaises qui combattent au front, alors que le pays fait face à une guerre dans l’est ».

Le prêtre jésuite Jean-Pierre Bodjoko réagit

La décision du procureur général près la Cour de cassation de Kinshasa a suscité une salve de réactions. L’une des premières réactions provient de Jean-Pierre Bodjoko. À travers un tweet, en effet, le prêtre jésuite et cadre de Radio Vatican a dénoncé « l’excès de zèle » du procureur. « Il faudrait d’abord se rassurer de l’authenticité de ce document. La hiérarchie de l’Église ne peut réagir précipitamment à un document circulant sur les réseaux sociaux. À mon avis, si ce document est vrai, l’excès de zèle du procureur général près la Cour de cassation ignore sûrement l’Accord-cadre entre le Saint-Siège et la RDC », a écrit le prêtre.

Avant d’expliquer une partie de l’Accord-cadre : « Dans son article 8 paragraphe 2, cet Accord-cadre, évoquant la justice, stipule que “dans le cas d’un évêque ou d’un prêtre exerçant une juridiction équivalente, l’autorisation préalable du Parquet général de la République est nécessaire et le Saint-Siège en sera aussitôt informé par les autorités congolaises via la Nonciature apostolique” ». Le prêtre a, par ailleurs, exprimé son doute quant au respect de cette procédure puis prodigué un conseil : « Évitons des zones de turbulences inutiles ».

L’opposition proteste avec véhémence

Dans la classe politique, les principaux opposants se sont fendus de déclarations très fortes pour dénoncer la décision du procureur. Pour Moïse Katumbi, « ce cardinal et archevêque métropolitain de Kinshasa ne fait que porter la voix des Congolaises et Congolais qui endurent sans fin des souffrances atroces ». Et de poursuivre : « La justice congolaise tente donc de museler cette voix des affligés, des pauvres, des victimes de l’injustice, des guerres et de la mauvaise gestion de la chose publique ».

Martin Fayulu dénonce, pour sa part, « une déviation progressive, incontrôlée et dangereuse pour (le) pays ». Pour sa part, « envisager d’engager une action en justice contre le cardinal Ambongo est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». C’est la raison pour laquelle le leader de l’ECiDé a lancé un appel formel à ses compatriotes : « J’en appelle à la vigilance de tous les Congolais et je leur demande de se tenir prêts à faire échec à cette action de provocation visant à réduire tout le monde au silence et à consolider la dictature en cours. Cela ne passera pas ».

Point de vue similaire chez le docteur Denis Mukwege qui parle d’une « instrumentalisation politique du pouvoir judiciaire et une dérive dictatoriale d’un régime incapable de gérer le pays et de rétablir la sécurité ». Le gynécologue invite les autorités du pays à mettre un terme à cette instrumentalisation de la justice qui n’a pour but que de tuer la liberté d’expression.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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