RDC : bras de fer entre le ministre de la Justice et la Cour de cassation


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Constant Mutamba, ministre congolais de la Justice
Constant Mutamba, ministre congolais de la Justice

En RDC, un bras de fer oppose le ministre de la Justice, Constant Mutamba, au Procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde Mambu. En toile de fond : un projet carcéral à Kisangani, financé par un fonds d’indemnisation, qui soulève des soupçons de détournement et cristallise les tensions entre exécutif et judiciaire.

Le torchon brûle entre le ministre de la Justice congolais, Constant Mutamba, et la haute magistrature. Au cœur d’une affaire explosive portant sur 39 millions de dollars destinés à la construction d’un centre pénitentiaire à Kisangani, le ministre récuse officiellement le Procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde Mambu, qu’il accuse d’acharnement. Un épisode qui révèle les tensions croissantes entre l’exécutif et le judiciaire, sur fond de soupçons de détournement de fonds publics.

Un projet carcéral devenu affaire d’État

Tout est parti d’un projet ambitieux : ériger une maison d’arrêt moderne à Kisangani, dans la province de la Tshopo, financée à hauteur de 39 millions de dollars. Très vite, des soupçons pèsent sur l’exécution budgétaire. En cause : l’attribution d’un marché public de 29 millions de dollars à une entreprise sélectionnée dans des conditions jugées opaques. Sur ce montant, près de 19 millions auraient été décaissés en dehors des règles de passation de marché. Une situation qui soulève des interrogations, d’autant plus que les fonds proviendraient du Frivao, un fonds spécial destiné à indemniser les victimes des exactions de l’armée ougandaise, et non du Trésor public.

La tension monte d’un cran lorsque le procureur général Firmin Mvonde sollicite de l’Assemblée nationale l’autorisation d’engager des poursuites contre Constant Mutamba. Le lendemain, ce dernier répond par une contre-offensive judiciaire : dans un courrier officiel, il récuse le procureur général ainsi que tous les magistrats relevant de son autorité. Le ministre dénonce une procédure biaisée, marquée par des pressions hiérarchiques et une volonté manifeste de nuire à sa personne. Selon ses termes, l’enquête serait manipulée pour le présenter comme « un ennemi des magistrats », et ainsi discréditer son action.

Des zones d’ombre et un fonds détourné de son objectif initial ?

Le cœur de l’affaire réside dans l’origine des fonds. En 2022, la Cour internationale de justice condamne l’Ouganda à verser 325 millions de dollars à la RDC. Trois tranches de 65 millions ont été versées à ce jour, soit 195 millions alimentant le Frivao. Ce fonds, sous la tutelle du ministère de la Justice, devait indemniser les victimes congolaises des exactions entre 1998 et 2003. Pourtant, une partie significative semble avoir été réorientée vers d’autres projets publics, dont la prison de Kisangani. Le ministre affirme que cette utilisation est légale et prévue par une clé de répartition transmise par l’Inspection générale des finances, attribuant 12% des fonds au ministère de la Justice.

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