Qui succédera à Omar Bongo Ondimba ?


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Omar Bongo, ex-Président du Gabon
Omar Bongo, ancien Président du Gabon

La succession d’Omar Bongo Ondimba, dont l’annonce du décès a été faite lundi après-midi, risque d’être agitée. Entre la volonté apparente de ses proches de conserver le pouvoir, l’absence d’un dauphin désigné et d’une opposition digne de ce nom, tous les scénarios sont envisageables. En attendant une élection présidentielle qui devrait se tenir dans 45 jours selon la Constitution du Gabon, la présidente du Sénat, Rose Francine Rogombé a été nommée ce mardi à la tête du pays pour assurer l’intérim. Mais certains observateurs pensent qu’un compromis pourrait être trouvé entre les acteurs politiques gabonais pour organiser une transition jusqu’en 2012, date de la fin du mandat entamé par Omar Bongo.

Omar Bongo Ondimba, officiellement décédé lundi après-midi, à Barcelone, a régné sans partage sur le Gabon pendant 41 ans. Sa mort laisse, qu’on le veuille ou non, un vide qu’il ne sera pas évident de combler. Et sa succession à la tête du pays risque d’être difficile. Tous les observateurs de la politique gabonaise et africaine s’accordent à le dire.

De son vivant, le défunt président gabonais s’était, d’ailleurs, toujours appliqué à brouiller les pistes. Il n’aimait guère aborder le sujet. « Qui dit que la succession est ouverte? Il n’y a pas de dauphin», avait-t-il rétorqué, en 2006, à un journaliste de Radio France internationale (RFI), ajoutant, « je serai candidat en 2012 si Dieu me donne encore la force ». Dieu, justement, en a voulu autrement. Et depuis ses ennuis de santé, la guerre de succession qu’il refusait a été ouverte. Un nom est souvent cité. Celui de son fils, Ali. Même s’il n’a pas été ouvertement désigné par son père, des observateurs pensent que sa nomination, en 1999, au poste stratégique de ministre de la Défense avait, non seulement, pour objectif de prévenir tout coup d’Etat, mais aussi de bien le placer pour une éventuelle succession.

«Ali Bongo n’a aucune légitimité»

« Je ne comprends pas pourquoi on parle sans cesse d’Ali », s’insurge Bruno Ben-Moubamba, porte-parole de l’association Acteurs Libres de la société civile gabonaise, joint par Afrik. « Il faut éviter, affirme-t-il, d’imposer la figure d’Ali Bongo aux Gabonais. » D’après lui, on peut également dire qu’en plaçant le Rose Francine Rogombé, à la tête du Sénat gabonais, Omar Bongo voulait préparer une transition démocratique. « Cette manière de parler tout le temps d’Ali Bongo n’est pas légitime. Surtout que lui-même ne se prononce pas sur le sujet », ajoute ce Franco-gabonais proches des plaignants de l’affaire des « Biens mal acquis » en France qui vise feu Omar Bongo Ondimba.

Pourtant, certaines des manœuvres d’Ali Bongo, 49 ans, ces derniers mois, tendent à confirmer les analyses lui prêtant l’intention de vouloir remplacer son père sur le trône présidentiel. D’abord, le fils du défunt chef d’Etat aurait mis, contre leur gré, des généraux de l’armée à la retraite et les aurait remplacés par ses hommes. Il s’est ensuite fait élire vice-président du parti dont son père est le fondateur, Parti démocratique gabonais (PDG) qui reste très majoritaire au Gabon. Certains de ses détracteurs affirment aussi qu’il a orchestré, lui-même, en décembre 2008, sa rencontre avec le président français, Nicolas Sarkozy. Une rencontre qui pourrait être considérée, lorsqu’on connaît les liens qu’entretiennent le Gabon et la France, comme une sorte d’adoubement.

Rivalité entre Pascaline et Ali

Mais s’il a des atouts, Ali Bongo présente aussi plusieurs handicaps parmi lesquels son incapacité à bien parler les langues locales. Né au Congo-Brazzaville, il a été élevé en France. Et des rumeurs, démenties, vont jusqu’à le dire étranger et à faire de lui un Biafrais adopté par Omar Bongo.

L’autre nom souvent cité, parmi les prétendants à la magistrature suprême au sein du clan Bongo et qui pourrait se positionner en concurrent d’Ali Bongo, est celui de Paul Toungui, le ministre des Affaires étrangères et compagnon de Pascaline Bongo, la fille du président décédé. Cette dernière serait la grande argentière de la famille et même du régime de son père. A 52 ans, elle est la directrice de cabinet de la présidence et est considérée comme l’avocate des firmes françaises implantées au Gabon. Entre Pascaline et son frère Ali, le courant, semble-t-il, ne passe pas. Et cette rivalité pourrait profiter, selon certains observateurs, aux autres barons du PDG au pouvoir qui nourriraient discrètement des ambitions.

Parmi eux, revient souvent le nom du général Idriss Ngari, ministre de la santé. Il bénéficierait de soutiens au sein de l’armée. Une montée des opposants dits modérés, parce qu’ayant collaboré avec le régime, n’est pas, non plus, à exclure. Ainsi Pierre Mamboundou, le leader de l’Union du peuple gabonais (UPG), et Zacharie Myboto, ancien proche d’Omar Bongo et chef de l’Union gabonaise pour la démocratie et le développement (UGDD-opposition) pourrait être propulsés dans les hautes sphères du pouvoir à l’issue d’une élection présidentielle qui, selon la Loi fondamentale du Gabon, doit se tenir au bout d’une transition de quarante-cinq jours.

Rose Francine Rogombé va assurer l’intérim

Saisie par le Conseil des ministres, la Cour constitutionnelle du Gabon a constaté ce mardi la vacance du pouvoir et nommé Rose Francine Rogombé, la présidente du Sénat gabonais, à la tête du pays. Elle devrait prêter serment dès mercredi et diriger la Nation jusqu’à la tenue d’un scrutin présidentiel. Mais des questions demeurent sur la possibilité de pouvoir respecter les délais imposés par la loi, en raison de la singularité de la situation du pays qui sort d’un règne de plus de quarante ans. Un compromis pourrait se dégager en vue d’une transition plus longue, afin de permettre l’organisation d’une élection plus sereine, estiment les fins connaisseurs du Gabon. Cette analyse, M. Ben-Moubamba, virulent opposant au régime d’Omar Bongo la partage. Mais il estime que la communauté internationale doit rester aux côtés des Gabonais pendant toute cette période pour, dit-il, leur éviter de subir une succession dynastique.

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