Quand Macron réhabilite MBS et qualifie d’hypocrite la neutralité de l’Afrique sur la guerre en Ukraine


Lecture 4 min.
Emmanuel Macron et MBS
Emmanuel Macron et Mohammed Ben Salmane

Lors de sa visite en Afrique, le Président français, Emmanuel Macron, a qualifié d’hypocrite la neutralité affichée par certains pays africains au sujet de l’invasion russe en Ukraine. Pour autant le locataire du Palais de l’Elysée s’est permis une longue poignée de main avec un Mohammed Ben Salmane, responsable de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, en 2018, au consulat d’Arabie Saoudite en Turquie.

En déplacement au Cameroun, dans le cadre de sa tournée africaine achevée ce jeudi 28 juillet 2022, en Guinée-Bissau, le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, a dénoncé «l’hypocrisie entendue sur le continent africain consistant à ne pas reconnaître clairement une agression unilatérale de la Russie sur l’Ukraine». Cette sortie acerbe, le dirigeant français la justifie par une position adoptée par plusieurs pays du continent africain qui ont affiché une certaine neutralité s’agissant de la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie. C’est donc une position neutre sur un sujet qu’a vertement tancée le locataire du Palais de l’Elysée.

En affichant une position neutre sur la crise ukrainienne, certains pays africains ont cherché à défendre leurs intérêts vis-à-vis de la Russie ou même de l’Ukraine qui leur sont d’un grand apport, notamment en céréales et autres denrées comme le pétrole. Comme l’est l’Arabie Saoudite qui peut bien aider beaucoup de pays occidentaux dans un contexte de crise ukrainienne où les jeux se font et se refont. C’est ce qu’a compris le premier citoyen Français, Emmanuel Macron, qui, ce jeudi 28 juillet 2022, dans la soirée, a reçu le prince saoudien, alors que ce dernier est accusé d’être responsable de la mort du journaliste du Washington Post, Jamal Khashoggi, qui a été tué et démembré, le 2 octobre 2018, dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul.

«Le seul moyen c’est de parler avec tous les principaux acteurs»

Emmanuel Macron a donc reçu à l’Élysée, Mohammed Ben Salmane, avec tous les honneurs. C’est d’une longue poignée de main que le chef de l’Etat français a reçu le prince héritier saoudien, relève la presse française. MBS est, tenez, invité pour un dîner de travail au Palais de l’Élysée à Paris. Qui l’eut cru ! C’est pourtant une réalité. Le responsable de l’assassinat du journaliste du Washington Post, Jamal Khashoggi, reçu au Palais de l’Elysée. Cette séquence, faut-il le rappeler, intervient après une visite du Président des Etats-Unis en Arabie Saoudite, où Joe Biden s’est entretenu avec MBS. Emmanuel Macron signe ainsi la «réhabilitation» du dirigeant saoudien, malgré les protestations des défenseurs des droits de l’Homme.

Pour rassurer les droit-de-l’hommistes, l’Elysée a déclaré qu’Emmanuel Macron compte «aborder la question des droits de l’Homme comme il fait à chaque fois avec Mohammed Ben Salmane». Dans un message à l’AFP, Hatice Cengiz, la fiancée de Jamal Khashoggi, s’est dite «scandalisée et outrée qu’Emmanuel Macron reçoive, avec tous les honneurs, le bourreau de mon fiancé». Mais pour l’Élysée, ce dîner est nécessaire, au regard du contexte de crise mondiale. «Si on veut se confronter, s’attaquer aux conséquences de ces crises d’une part et peser dans la région au profit de tous, le seul moyen c’est de parler avec tous les principaux acteurs», assure la Présidence française.

Justifier sa posture par le contexte de crise mondiale

Pour défendre la position de l’Hexagone, la cheffe du gouvernement français, Élisabeth Borne, a précisé que cette rencontre entre Macron et MBS ne signifie pas «remettre en cause notre engagement en faveur des droits de l’Homme». Elle se demande pourquoi «les Français ne comprendraient pas, dans un contexte où l’on sait que la Russie coupe, menace de couper et recoupe l’approvisionnement en gaz, qu’on ne discute pas avec les pays qui sont précisément producteurs d’énergie». Et certainement, l’Afrique n’a pas aussi le droit de discuter, de façon muette, en affichant une neutralité sur le conflit ukrainien. Sachant bien entendu qu’une position affichée sur le conflit pourrait constituer une menace de se voir couper et recouper l’approvisionnement en céréales et autres produits pétroliers.

Comment dans ce contexte peut-on refuser à l’Afrique, un continent en voie de développement, de défendre ses intérêts russes et même ukrainiens, en affichant une neutralité sur un conflit ! Si bien entendu l’Afrique sait qu’elle a intérêt à rester neutre sur ce conflit. Tout compte fait, si une neutralité peut être qualifiée d’hypocrisie, quel qualificatif faudrait-il pour expliquer un deal avec un dirigeant responsable d’un meurtre, l’un des plus abominable de ce 21ème siècle ? Et puis, si Macron a pu échanger une chaleureuse poignée de main avec MBS, l’Afrique peut bien se permettre de dérouler le tapis rouge à la Russie ou à l’Ukraine, selon. Pourquoi pas rester neutre. Et justifier sa posture par le contexte de crise mondiale, comme l’ont fait des superpuissances comme les Etats-Unis et la France.

Lire : Au Cameroun, Macron dénonce «l’hypocrisie entendue sur le continent africain» au sujet de l’invasion russe en Ukraine

Avatar photo
Journaliste pluridisciplinaire, je suis passionné de l’information en lien avec l’Afrique. D’où mon attachement à Afrik.com, premier site panafricain d’information en ligne
Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News