Quand le foot vire au cauchemar : RDC vs Sénégal, une victoire au goût amer


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Les Lions du Sénégal
Les Lions du Sénégal

Mardi soir à Kinshasa, les Lions du Sénégal ont arraché une brillante victoire face aux Léopards de la RDC dans un match comptant pour les qualifications de la prochaine Coupe du monde. Un score serré (3-2), une performance de haute volée, mais un après-match tragique qui a plongé le football africain dans une nouvelle zone d’ombre. Ce qui aurait dû être une célébration du sport s’est mué en chaos total, en violence aveugle et en déshonneur pour le pays hôte.

Dès le coup de sifflet final, la fureur s’est emparée des tribunes du stade des Martyrs. Les supporters congolais, furieux de la défaite à domicile, se sont livrés à des actes d’une brutalité inqualifiable. Les installations ont été vandalisées, les sièges arrachés, les couloirs envahis. Et pire encore, les supporters sénégalais, simples amateurs de football venus encourager leur équipe, ont été la cible d’attaques violentes, organisées et d’une lâcheté absolue.

Avion  affrété pour évacuer le 12ème Gaïndé

Parmi eux, l’association emblématique Le 12ème Gaindé, connue pour son engagement pacifique et son soutien indéfectible aux Lions, a été particulièrement visée. Ses membres ont été pris à partie, roués de coups, dépouillés, humiliés. Certains ont dû être exfiltrés dans des conditions dignes d’un film de guerre, via un avion spécialement affrété pour les évacuer de Kinshasa. Pendant de longues heures, ces supporters sénégalais, pris au piège dans un stade en furie, n’ont eu d’autre choix que de se barricader, protégés tant bien que mal par des forces de sécurité débordées et parfois elles-mêmes complices par leur silence.

Le plus révoltant, c’est qu’une telle tragédie était non seulement prévisible, mais quasiment inévitable, tant le contexte sécuritaire en République Démocratique du Congo est instable. Les armes y résonnent jour et nuit, les groupes armés y font la loi dans plusieurs régions, et la violence y est ancrée dans le quotidien. Que la FIFA, avec la complicité passive de la CAF, ait pu valider l’organisation d’un match de cette envergure dans un tel climat est un manquement grave à ses responsabilités.

Une ligne rouge a été franchie

Comment expliquer qu’une instance censée promouvoir les valeurs de paix, de respect et de fraternité, ait permis que des supporters, joueurs, journalistes et officiels soient exposés à un tel danger ? Ce n’est pas la première fois que des événements sportifs sur le continent africain dégénèrent. Mais cette fois, c’est une ligne rouge qui a été franchie. Car il ne s’agit pas de simples échauffourées ou de débordements isolés. Il s’agit d’une attaque ciblée, organisée, contre des supporters d’un autre pays. Un acte qui frôle le lynchage collectif et qui aurait pu se terminer en drame absolu sans l’intervention tardive de quelques autorités.

Face à cette barbarie, les supporters sénégalais ont fait preuve d’un courage admirable. Aucun acte de vengeance, aucune réaction de violence. Ils ont gardé leur calme, leur dignité, leur maturité légendaire. Dans un climat de haine, ils ont su rester debout, unis, fiers. Leur attitude est à saluer. Car elle reflète non seulement les valeurs profondes du peuple sénégalais, mais elle honore aussi tout le continent africain, celui qui croit encore au pouvoir pacificateur du sport.

Des zones de seconde classe ?

Les Lions, quant à eux, ont répondu sur le terrain. Une performance remarquable, menée par un groupe soudé, concentré, malgré l’hostilité ambiante. Ils ont joué pour le maillot, pour l’honneur, pour leur peuple. Et ils ont gagné. Mais leur victoire a été entachée par la violence d’un public qui n’a pas su accepter la défaite, et par la faillite d’un système qui laisse les passions déraper sans garde-fous.

Aujourd’hui, des questions urgentes se posent : Où est la réaction de la FIFA ? La CAF va-t-elle se contenter d’un communiqué creux ou prendra-t-elle enfin des sanctions à la hauteur de la gravité des faits ? Quelles garanties pour la sécurité des supporters africains lors des prochaines rencontres internationales ? Il est grand temps que la FIFA cesse de considérer certaines régions du monde comme des zones de seconde classe, où tout peut se permettre au nom de l’« expansion du football ».

Il est encore temps d’agir

Organiser un match dans une zone à haut risque, sans déploiement sécuritaire suffisant, sans contrôle rigoureux, c’est mettre en danger des vies humaines. C’est aussi mépriser les valeurs qu’elle prétend défendre. Le football africain mérite mieux. Il mérite des stades sûrs, des publics respectueux, des institutions responsables. Il mérite des dirigeants courageux qui prennent leurs responsabilités, et des sanctions exemplaires contre ceux qui bafouent les règles du vivre-ensemble.

En attendant, le Sénégal peut être fier. Fier de ses Lions, vainqueurs sur le terrain. Fier de ses supporters, héros silencieux de cette tragique soirée. Aussi, fier de ce peuple qui, dans la tempête, continue de porter haut les valeurs d’honneur, de paix et de fraternité. Mais que cette victoire serve aussi de cri d’alerte : le football africain est en danger si l’impunité et la violence deviennent la norme. Il est encore temps d’agir.

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Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
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