Qu’attend l’Oncle Sam du continent ?


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Pourquoi les Etats-Unis s’intéressent-ils à l’Afrique ? Intérêt économique ou tout simplement signe des temps. Celui de l’Afrique qui compte. Dans tous les cas, la tournée d’un Président américain en terre africaine, troisième du genre, est un symbole fort.

Regain d’intérêt ou expression d’une stratégie qui arrive à maturation ? Officiellement placé sous le signe de la santé et du développement, la tournée africaine de Georges W. Bush a également des ambitions économiques. Si Bush fils ne se déplace pas seulement pour le pétrole, il n’en demeure pas moins que l’opportunité économique que représente l’Afrique pour les Etats-Unis est un fait notamment en matière d’approvisionnement en ressources énergétiques et minières.

Les Américains croient au potentiel de l’Afrique

A la veille de son départ pour le continent, le président américain déclarait, au quatrième sommet biennal du Corporate Council on Africa (le Conseil des entreprises sur l’Afrique), le 26 juin dernier, que « les États-Unis sont convaincus de l’immense potentiel de l’Afrique. […] Nous comprenons aussi ses problèmes. Et notre pays est engagé à fond dans un vaste effort concerté pour aider les Africains à trouver la paix, à lutter contre les maladies, à établir la prospérité et à améliorer leur niveau de vie». Les Etats-Unis semblent vouloir profiter du potentiel africain. La visite du président américain sur le continent, la troisième dans l’histoire des Etats-Unis, peut être interprétée comme une confirmation.

Pour Bernard Conte, chercheur au Centre d’Etudes Afrique Noire de Bordeaux. « Il faut tout d’abord souligner que l’Afrique s’inscrit dans la stratégie d’ensemble des Etats-Unis qui s’articule autour de plusieurs axes. Les Etats-Unis souhaitent sécuriser les sources d’approvisionnement énergétique, le pétrole en tête de liste. Dans la même optique, il s’agit d’identifier les gisements de profits pour les multinationales américaines tout en essayant d’en faire supporter les coûts par le reste du monde. Socialiser les coûts, privatiser les bénéfices, une doctrine bien connue du capitalisme. La première guerre du Golfe en est un exemple patent. Les Etats-Unis se sont également engagés dans une lutte contre les foyers potentiels de terrorisme.» Les Etats-Unis craignent en effet que les pays d’Afrique en crise ne servent de replis aux groupes terroristes.

Le pétrole, encore le pétrole, toujours le pétrole

Le choix des pays visités n’est pas innocent. Il confirme en partie l’intérêt économique de l’Afrique pour le nouveau continent. L’Afrique du Sud et le Nigeria sont les principaux partenaires des Etats-Unis en Afrique subsaharienne. Les Américains espèrent faire de l’Afrique du Sud « le relais d’exercice de son influence en Afrique australe », note Bernard Conte. De même, les Américains n’oublient pas les diamants botswanais et le pétrole nigérian. Le Nigeria est le sixième exportateur mondial de brut avec 15% de ses exportations à destination des Etats-Unis.

Pourtant, selon l’économiste, « il ne faut pas s’attendre à un renversement de la tendance actuelle et les Africains auraient tort de penser le contraire ». Eux qui en côte d’Ivoire ou au Libéria ont réclamé l’intervention américaine. Car les Etats-Unis investissent de moins en moins sur le continent. Pour preuve l’Investissement Direct à l’Etranger (IDE), les investissements émanant du secteur privé, s’élevait à « 798 millions de dollars en 2001 contre 3,8 milliards en 1998. Ils se concentrent par ailleurs sur le secteur pétrolier et dans des pays comme le Nigeria, l’Angola et l’Afrique du Sud. L’Afrique occupe une place marginale dans le commerce extérieur américain : 1,7% des exportations et 2,3% des importations ».

Quelle contrepartie pour les Africains ?

Notons également que le périple américain a lieu à l’avant-veille de négociations commerciales importantes. «Les Etats-Unis sont attendus sur des questions sensibles comme les subventions agricoles et l’accès aux médicaments pour les pays pauvres », souligne Daniel Bach, directeur de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS). « Les Etats-Unis se sont d’ailleurs rendus compte que les pays africains pouvaient faire la différence ». Confère les dernières tractations à propos de l’Irak au conseil de sécurité des Nations Unies. Si la visite de Bush obéit à une logique de profits, qu’en est-il pour le continent ? La seule réponse à l’heure actuelle reste la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (Agoa), instaurée en 1999.

La loi est supposée faciliter l’accès du marché américain aux pays africains. « Piètre copie des accords de Cotonou (entre l’Union européenne et les Pays d’Afrique Caraïbes Pacifique). C’est un accord dont les critères sont revus chaque année », affirme Bernard Conte. Néanmoins sur les 36 pays du continent qui sont concernés, certains en profiteraient déjà. Comme le Lesotho ou encore l’Afrique du Sud. « Grâce à l’Agoa, ce pays a pu relancer son industrie textile et exporte, entre autres, des jeans vers les Etats-Unis. Il en est de même pour les voitures BMW qui s’exportent de l’Afrique du Sud vers les Etats-Unis.», Fait remarquer Daniel Bach. Le président américain a par ailleurs annoncé qu’il demanderait au Congrès de prolonger au-delà de 2008 les avantages à l’exportation dont bénéficient les pays africains éligibles. Motif : « le commerce est la force motrice du progrès économique». L’expérience africaine confirmera-t-elle l’adage qui veut que les Etats-Unis n’aient pas d’amis mais des clients ?

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