Nouvelle-Orléans : Les 19 Afro-Américains « cobayes » enfin réhabilités


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Crânes humains au Centre mémorial du génocide de Nyamata.
Crânes humains au Centre mémorial du génocide de Nyamata.

Victimes d’expériences scientifiques racistes, les restes de 19 Afro-Américains envoyés en Allemagne au XIXe siècle ont été rapatriés à la Nouvelle-Orléans. Une cérémonie poignante a marqué leur retour, plus d’un siècle après leur exil forcé.

Les échos de la phrénologie, cette pseudo-science qui prétendait lire le caractère humain dans les crânes, résonnent encore à la Nouvelle-Orléans. Plus d’un siècle après avoir été démembrés et expédiés en Allemagne pour des recherches racistes, les restes de 19 Afro-Américains sont enfin revenus chez eux. À travers une cérémonie symbolique, la ville leur a offert une dignité qui leur avait été arrachée.

Une histoire méconnue d’injustice raciale

Dans les années 1880, sous couvert de science, le médecin Henry D. Schmidt, installé à la Nouvelle-Orléans, expédiait 19 crânes d’Afro-Américains vers Leipzig, en Allemagne. Son objectif : permettre à des chercheurs de pratiquer la phrénologie, une discipline aujourd’hui reconnue comme raciste et pseudo-scientifique. À l’époque, certains pensaient pouvoir mesurer la valeur d’un individu en étudiant la forme de son crâne.

Un siècle plus tard, ce pan méconnu de l’histoire afro-américaine resurgit. Les crânes, identifiés comme appartenant à des hommes et des femmes d’origine africaine, reviennent enfin en Louisiane grâce aux démarches entreprises par l’université de Leipzig et des historiens déterminés à restaurer la dignité de ces victimes.

Une cérémonie symbolique et réparatrice

Samedi dernier, une cérémonie funéraire jazz a marqué la restitution des restes humains à la chapelle universitaire de la Nouvelle-Orléans. Les crânes ont été déposés dans 19 boîtes en bois, accompagnés des rythmes du Kumbuka African Drum and Dance Collective. « C’est un geste fort qui redonne une part d’humanité à ces personnes », a déclaré Eva Baham, historienne engagée dans ce projet de rapatriement.

Selon ses recherches, les 19 victimes seraient décédées de causes naturelles. « Mais ce qui s’est passé ensuite (les expériences racistes) est une violation grave de leur dignité », souligne-t-elle.

Héritage de l’esclavage et quête de justice

Les chercheurs de l’université Dillard estiment qu’il est probable que certaines de ces personnes aient été récemment affranchies de l’esclavage, ce qui ajoute une dimension tragique à cette affaire. Leurs descendants restent à identifier. « On ne peut pas refermer ce dossier sans retracer l’histoire familiale et sociale de ces hommes et femmes », explique un membre de l’équipe.

L’affaire révèle aussi la manière dont la science a longtemps été instrumentalisée pour justifier la hiérarchisation raciale et l’exploitation des corps noirs.

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