Le Met de New York révolutionne sa vision de l’art africain avec 70 millions de dollars d’investissement


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MET art africain
MET art africain

Après quatre années de fermeture et un investissement colossal de 70 millions de dollars, les galeries d’art africain du Metropolitan Museum of Art de New York (MET) ont rouvert leurs portes le 31 mai dernier. C’est une renaissance pour l’exposition de l’art subsaharien aux États-Unis, avec 500 œuvres issues de 170 cultures différentes désormais exposées dans un cadre architectural révolutionnaire.

Le MET, le plus grand musée d’art des États-Unis, honore désormais dignement l’Afrique. Samedi 31 mai 2025, le Metropolitan Museum of Art de New-York a inauguré la réouverture de ses galeries consacrées aux arts d’Afrique subsaharienne, joyau de la nouvelle aile Michael C. Rockefeller. Fermées depuis l’été 2021, ces espaces entièrement repensés constituent l’événement muséal majeur du printemps new-yorkais.

Une architecture qui dialogue avec l’Afrique

L’architecte Kulapat Yantrasast, à la tête du cabinet WHY Architecture, a conçu avec Beyer Blinder Belle des espaces qui marient audacieusement design contemporain et références vernaculaires africaines. Le plafond nervuré évoque la Grande Mosquée de Djenné au Mali, tandis que les vastes baies vitrées offrent une vue panoramique sur Central Park, créant un dialogue inattendu entre Manhattan et le continent africain.

Cette prouesse architecturale répond à une ambition claire : sortir l’art africain des codes muséographiques traditionnels pour lui offrir la lumière naturelle de vastes espaces épurés, dignes des plus grandes collections occidentales.

Une scénographie révolutionnaire par chapitres

Sous la direction d’Alisa LaGamma, conservatrice en chef, la présentation abandonne la vision d’un « continent monolithique » pour adopter une approche par chapitres géographiques et historiques. Trois grands parcours structurent la visite :

  • L’Afrique ancienne présente des pièces millénaires, notamment une terracotta (terre cuite) exceptionnelle du delta intérieur du Niger datant du XIIIe siècle.
  • Le chapitre Afrique & Atlantique explore les grandes dynasties du golfe de Guinée et leurs échanges commerciaux séculaires.
  • Enfin, les Frontières orientales conduisent le visiteur jusqu’aux sultanats swahilis de la côte est-africaine.

Dès l’entrée, une statue dogon monumentale implorant la pluie impose le respect et la contemplation, établissant immédiatement le ton de cette nouvelle muséographie. Un quart des œuvres exposées n’avaient jamais été présentées au public new-yorkais, offrant aux visiteurs de véritables découvertes.

L’art contemporain africain à l’honneur

Innovation majeure de cette réouverture : l’intégration d’artistes africains contemporains aux côtés des œuvres traditionnelles. Les créations d’Abdoulaye Konaté, de Wangechi Mutu ou encore la série photographique African Spirits de Samuel Fosso témoignent de la vitalité artistique actuelle du continent.

L’institution new-yorkaise s’appuie sur huit années de consultations avec des universitaires africains, de Kwame Anthony Appiah à Daouda Keita, pour proposer des contextes historiques authentiques sur les œuvres. Audioguides trilingues, films de la réalisatrice éthio-américaine Sosena Solomon et cartes interactives enrichissent l’expérience de visite.

Quelques mètres séparent désormais une figure dogon millénaire d’un kouros grec antique, invitant le visiteur à traverser 5 000 ans d’histoire sans hiérarchie implicite entre les civilisations. Le Met mise sur une augmentation significative de sa fréquentation dès cet été, mais surtout sur sa capacité à proposer « une nouvelle façon de raconter le monde » : plurielle, connectée et résolument contemporaine.

La question cruciale de la restitution

Cette réouverture intervient dans un contexte mondial de questionnement sur la provenance des œuvres d’art africain conservées dans les musées occidentaux. Si Alisa LaGamma rappelle que la collection Rockefeller s’est constituée « après les indépendances, et non sous le colonialisme« , c’est bien parce que la question de la restitution demeure centrale.

Des milliers d’œuvres d’art africain, acquises pendant la période coloniale dans des conditions souvent douteuses, sont aujourd’hui conservées dans les musées européens et américains. Ces trésors, arrachés à leur contexte culturel et spirituel d’origine, constituent un patrimoine spoliée dont la légitimité de la détention est de plus en plus contestée.

La France, avec la restitution de nombreuses œuvres ces dernières années ou l’Allemagne, qui négocie le retour des bronzes du Bénin, ouvrent la voie. Mais le mouvement reste timide face à l’ampleur du patrimoine concerné. Ces œuvres ne sont pas de simples objets d’art : elles portent l’âme, l’histoire et l’identité de peuples entiers. Leur retour sur le continent africain représente un acte de justice historique et culturelle indispensable.

Le Met, en développant de nouveaux protocoles de recherche et de prêt avec les pays d’origine, reconnaît implicitement cette problématique. « Il n’y a pas d’endroit avec une plus longue histoire de l’art que l’Afrique. Elle est le point de départ absolu de la créativité artistique. Il est tout à fait approprié que le génie des artistes africains, mis en évidence dans ces galeries, occupe une place de choix au sein du Metropolitan Museum of Art. » adéclaré Lisa LaGamma.

Masque Africamaat
Kofi Ndale, un nom qui évoque la richesse des traditions africaines. Spécialiste de l'histoire et l'économie de l'Afrique sub-saharienne
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