
Chaque année, au cœur de la Haute-Guinée, un petit village nommé Norassoba devient le théâtre d’une effervescence hors du commun.
Des milliers de pêcheurs, hommes, femmes et enfants, envahissent une mare sacrée pour célébrer Noradala, une tradition ancestrale vieille de plus de sept siècles. Entre célébration culturelle et appel à la préservation, cette grande pêche collective dépasse la simple activité halieutique : elle incarne l’âme d’un peuple.
Un rituel vieux de sept siècles, au cœur de la culture mandingue
Noradala n’est pas une simple fête de village. Elle puise ses racines dans l’histoire même de Norassoba, fondée au XIVe siècle. Cette célébration marque non seulement le début de la saison des pluies, mais aussi un retour symbolique aux valeurs ancestrales du Manding. « Depuis la fin du 14e siècle jusqu’à nos jours, on célèbre cette fête », rappelle fièrement Ansoumane Doumbouya, vice-président de la délégation spéciale de la commune rurale. Noradala est ainsi devenue un repère immuable du calendrier local, un événement fédérateur autour duquel s’articulent toutes les grandes étapes de la vie communautaire.
Loin d’être figée dans le passé, Noradala vit grâce à l’énergie et à l’engagement de la jeunesse locale. À Norassoba, le collectif « Barati » incarne cette dynamique. Ces jeunes volontaires prennent en charge l’assainissement du village, l’organisation logistique et la sécurité de l’événement. Pour Banagaly Traoré, sage du village, c’est grâce à eux que la tradition perdure : « C’est l’événement majeur annuel chez nous. Le collectif Barati a géré toutes les activités de bout en bout. » Leur mobilisation illustre la volonté farouche de transmettre un héritage vivant, tout en le modernisant.
Une pêche festive, mais aussi spirituelle et communautaire
Le jour de la pêche, la mare devient un lieu de liesse et de communion. Dans une ambiance festive, les pêcheurs, armés de filets traditionnels, s’élancent à la recherche de poissons. Pour beaucoup, c’est bien plus qu’un simple acte de subsistance. « La pêche collective est plus importante que la fête de la Tabaski pour nous », affirme Moussa Camara du collectif Barati. Les prises ne sont pas destinées à la vente, mais partagées entre familles, avec une attention particulière pour les aînés. Une pratique qui renforce les liens sociaux et honore les anciens.
Si l’engouement ne faiblit pas, les défis sont bien réels. Année après année, la mare rétrécit et les poissons se raréfient. Une situation qui inquiète les anciens du village, comme l’ancien ministre Maramany Cissé : « On a le souci de protéger et de valoriser cette mare. Parce que ça fait partie de notre patrimoine historique et culturel. » L’appel est clair : la préservation de ce site est cruciale. Le reboisement, le respect de l’écosystème et la sensibilisation sont autant de pistes évoquées pour éviter la disparition d’un trésor naturel et culturel.
Une vitrine de la culture mandingue et un espoir pour l’avenir
L’édition 2025 de Noradala s’annonce comme une édition spéciale, coïncidant avec le lancement de la campagne agricole. Le village prévoit d’accueillir des personnalités de haut rang pour valoriser l’événement au-delà de ses frontières. Car au-delà de la pêche, Noradala est aussi un vecteur d’identité, une vitrine vivante de la culture mandingue. Les organisateurs souhaitent en faire un levier de développement rural, mais aussi un modèle de transmission culturelle pour les générations futures.