
À Mokwa, les pluies diluviennes ont laissé derrière elles un paysage d’apocalypse : plus de 150 morts, des milliers de déplacés et une ville entière engloutie sous les eaux et les décombres.
Dans la ville de Mokwa, située au cœur du Nigeria, des pluies diluviennes ont transformé une nuit ordinaire en cauchemar absolu. En quelques heures, les eaux ont tout emporté sur leur passage, laissant derrière elles un paysage de ruines, de larmes et de pertes humaines incommensurables. Le bilan provisoire fait état de plus de 150 morts et plus de 3 000 déplacés, mais les secouristes redoutent que le nombre de victimes continue de grimper. Témoignages poignants, infrastructures dévastées, familles brisées : la ville tente de se relever, au milieu de la boue et du deuil.
Une ville engloutie, des familles décimées
Dans les rues dévastées de Mokwa, les récits se ressemblent : des maisons effondrées, des proches portés disparus, des corps retrouvés sous les décombres. « Nous avons perdu au moins 15 personnes rien que dans cette maison », confie, les yeux embués, Mohammed Tanko, fonctionnaire de 29 ans. Le quartier de son enfance n’est plus qu’un champ de ruines. À quelques mètres, une femme en larmes, drapée dans un foulard bordeaux, contemple les corps recouverts de feuilles de bananier. La mort rôde encore dans les gravats.
Le témoignage de Sabuwar Bala, une vendeuse d’ignames, illustre la brutalité de l’événement : « Je suis incapable de localiser l’endroit où se trouvait ma maison, tant la destruction est immense. » Elle a survécu de justesse, perdant tous ses biens, jusqu’à ses sandales. Le traumatisme est profond, autant psychologique que matériel.
Une crise humanitaire aggravée par l’inaction structurelle
Le Nigeria est coutumier des inondations durant la saison des pluies, mais celles de Mokwa ont été qualifiées d’« inédites » par les autorités. Des torrents imprévisibles ont submergé la ville marchande, emportant deux ponts et détruisant au moins 265 habitations. Les autorités locales, dépassées, peinent à faire face. Les secours manquent d’équipements lourds, comme des pelleteuses, pour retrouver d’autres corps coincés sous les ruines. Une école coranique compte encore une cinquantaine d’élèves portés disparus.
Les causes ? Une combinaison dramatique de changement climatique, d’infrastructures vétustes et d’un urbanisme anarchique. À Mokwa, comme ailleurs dans le pays, les habitations s’entassent dans des zones inondables, les systèmes de drainage sont obstrués ou inexistants, et la montée des eaux prend tout le monde de court.
Un symbole d’un fléau national devenu chronique
En 2024 seulement, plus de 1 200 Nigérians ont perdu la vie dans des inondations, et 1,2 million ont été déplacés à travers 31 États du pays. Le cas de Mokwa vient s’ajouter à une série noire d’événements climatiques extrêmes, soulignant l’urgence d’une réponse nationale structurée. Déjà en 2022, plus de 500 morts avaient été dénombrés à la suite d’inondations.
Le président Bola Ahmed Tinubu avait appelé à renforcer les moyens de secours et à développer des systèmes d’alerte efficaces. Mais sur le terrain, peu de choses semblent avoir changé. À Mokwa, ce sont les habitants eux-mêmes, parfois épaulés par l’armée, qui fouillent les décombres à la recherche des disparus.
Mokwa, carrefour économique pour les échanges entre le nord producteur et le sud consommateur, se retrouve aujourd’hui paralysée. Les pertes agricoles aggravent une situation économique déjà fragile.