Nicole Kanda : « Un peuple qui ne connaît pas son histoire est voué à périr »


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Photo Nicole Kanda
Photo Nicole Kanda

Nicole Kanda, curatrice et styliste bruxelloise, organise l’événement « Angola 50 », à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de la République d’Angola, et en hommage aux pères de son indépendance, les 15 et 16 novembre, à l’Africa Museum (Musée royal de l’Afrique centrale) de Tervuren, en Belgique. Elle se confie à Afrik.com par l’intermédiaire du cabinet LightMakers Consulting, qui gère ses relations presse.

Pourquoi avoir choisi le thème “La mémoire des pères oubliés” pour célébrer les 50 ans de l’indépendance angolaise ?
Nicole Kanda : L’idée est de questionner notre faculté à nous souvenir des sacrifices qu’ont réalisés ces trois figures dont des générations entières ne connaissent parfois pas l’existence ni l’histoire, tellement effacées.

Quelle part de cette mémoire vous semble la plus menacée aujourd’hui ?
Nicole Kanda : A mon avis celle de l’esprit d’unité de départ de ces trois leaders, Agostinho Neto, Holden Roberto et Jonas Savimbi, qui a été à l’origine de la rencontre au Kenya le 03/01/1975 en présence du président Mzee Jomo Kenyatta. Rencontre qui conduira à la signature des accord d’Alvor le 15/01/1975 qui prévoyait clairement un gouvernement de transition impliquant les trois mouvements de libération (le MPLA, l’UNITA, le FNLA).

Le film “Sambizanga” occupe une place centrale dans votre programmation. Que représente-t-il pour vous personnellement et pour les jeunes générations africaines ?
Nicole Kanda : Un modèle de résistance d’un jeune homme mais essentiellement le courage d’une femme. Je crois sincèrement que les femmes ont une place importance dans l’émancipation socio-politique africaine, elles en sont même le fondement. Un film sur le parcours d’un jeune résistant à travers le regard d’une femme réalisé par une autre femme, transcrit en portugais et en lingala, langue souvent décriée par certains angolais.

Tous des thématiques pour lesquels il y’a matière à travailler et à dialoguer. Que chacun d’entre eux possède une responsabilité et qu’il peut oeuvrer de là où il est et avec les moyens en sa possession « un tout petit caillou peut briser une grande jarre ».

Vous avez choisi de mêler art, histoire et danse dans un même événement. Est-ce une façon de montrer que la culture est un vecteur de réconciliation entre mémoire et modernité ?
Nicole Kanda : Tout à fait, la culture me semble être le meilleur des vecteurs de réconciliation entre mémoire et modernité. Le fait d’observer des objets ethnographiques dans les oeuvres déglinguées et colorées de cristiano Mangovo est un parfait exemple.

Le peintre Cristiano Mangovo incarne justement une nouvelle génération d’artistes angolais engagés. Comment percevez-vous cette continuité entre les luttes politiques d’hier et les combats culturels d’aujourd’hui ?
Nicole Kanda : Je possède énormément d’espoir. Dès ma première rencontre avec l’artiste Cristiano Mangovo il y a eu une connexion, j’ai ressenti de suite cette continuité comme avec d’autres jeunes artistes angolais à l’instar de Isabel Landama, c’est un fil continu indestructible.

En 2022 lors de l’exposition « Restitutions des identités-Féminité, pouvoir et royauté » Cristiano Mangovo m’avait dédiée une oeuvre « RAMBO », symbole de cette continuité. Cette année pour Angola 50 une nouvelle oeuvre surprise m’est dédiée, que le public pourra decouvrir.

En tant que curatrice d’origine angolaise vivant en Europe, quel message souhaitez-vous adresser à la diaspora africaine à travers cet hommage ?
Nicole Kanda : Il est de notre devoir d’user de notre notoriété, de la liberté et des moyens à notre disposition ici afin de raconter notre histoire, selon notre propre regard et sans écorchure.

Néanmoins, avant de raconter cette histoire il faudrait la connaitre alors allons à sa rencontre car un peuple qui ne connait pas son histoire, ne règle pas son passé, est voué à périr. Il nous faut des racines solides pour survivre à cette Europe en pleine régression, où disons en pleine dérive vers l’extrémisme.

Zainab Musa
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Zainab Musa est une journaliste collaborant avec afrik.com, spécialisée dans l'actualité politique, économique et sociale du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest. À travers ses enquêtes approfondies et ses analyses percutantes, elle met en lumière des sujets sensibles tels que la corruption, les tensions géopolitiques, les enjeux environnementaux et les défis de la transition énergétique. Ses articles traitent également des évolutions sociétales et culturelles, notamment à travers des reportages sur les figures influentes du Maroc et de l’Algérie. Son approche rigoureuse et son regard critique font d’elle une voix incontournable du journalisme africain francophone.
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