
Au cœur d’un procès très médiatisé, le célèbre styliste rwandais Moses Turahirwa, fondateur de la marque Moshions, a comparu ce 6 mai devant le tribunal de Kicukiro à Kigali.
Accusé officiellement de consommation et de possession de stupéfiants, il affirme être en réalité poursuivi pour ses critiques à l’encontre du président Paul Kagame. Entre polémique politique, lutte contre la drogue et image publique en chute libre, ce procès met à nu les tensions entre liberté d’expression et répression au Rwanda.
Un procès sous haute tension médiatique
La salle du tribunal de Kicukiro était pleine ce mardi, tant la figure de Moses Turahirwa dépasse les frontières du milieu de la mode. À 36 ans, il est l’un des stylistes africains les plus en vue, avec des clients prestigieux comme John Legend et même Paul Kagame lui-même. Pourtant, l’aura du créateur s’est brusquement assombrie après son arrestation le 22 avril dernier à son domicile de Kigali, à la suite d’une descente musclée des forces de l’ordre. Officiellement, il est accusé de consommation et de détention de cannabis, mais ses déclarations laissent entendre une toute autre version.
À la barre, Moses Turahirwa n’a pas nié avoir consommé du cannabis, qu’il dit utiliser à des fins médicales. Il conteste cependant la quantité saisie, que le parquet utilise comme preuve pour évoquer un potentiel trafic. Mais ce sont surtout ses paroles qui ont retenu l’attention. Ému, il a exprimé ses regrets concernant une série de messages publiés sur Instagram dans lesquels il s’en prenait ouvertement au président Kagame, l’accusant notamment d’avoir emprisonné son père injustement. « Je ne pense pas avoir été arrêté pour consommation de drogue, mais pour ce message, pour lequel j’ai déjà demandé pardon », a-t-il déclaré. Des propos que le parquet réfute catégoriquement.
Un passé déjà entaché par la controverse
Ce n’est pas la première fois que Moses Turahirwa fait face à la justice rwandaise. En 2023, il avait déjà été poursuivi pour des faits similaires, puis relâché sous caution. Cette même année, une controverse avait éclaté après la diffusion de photos de nu, provoquant son départ temporaire de la direction de Moshions. Cette nouvelle affaire vient accentuer la fragilité d’un personnage public déjà en délicatesse avec l’appareil étatique.
La défense de Turahirwa a demandé une libération sous caution, mettant en avant son besoin de soins médicaux pour une dépendance avérée. Le parquet, lui, s’y oppose fermement, invoquant une condamnation récente pour les mêmes faits et un possible risque de récidive. La cour devrait trancher lors de la prochaine audience, prévue le vendredi 9 mai. En toile de fond, l’affaire soulève des questions sur la liberté d’expression au Rwanda et la place accordée aux voix dissonantes, même dans les milieux culturels.
Entre icône et cible
Styliste à la renommée internationale, Moses Turahirwa est aujourd’hui au centre d’un procès à la portée bien plus large que son cas personnel. Entre accusations de trafic, problèmes de santé mentale et prises de parole dérangeantes pour le pouvoir, il incarne malgré lui la tension croissante entre créativité et autorité dans une société où l’espace pour la critique reste étroit. Le verdict attendu ce vendredi pourrait bien marquer un tournant, autant judiciaire que symbolique.