Meta face à la justice : l’affaire Lotfi Bel Hadj bouleverse l’ordre numérique mondial


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Lotfi Bel Hadj
Lotfi Bel Hadj

Pour la première fois dans l’histoire du numérique africain, un entrepreneur ose traîner Meta devant les tribunaux de trois continents. Lotfi Bel Hadj, victime de la suppression brutale de plus de 900 actifs numériques en 2020, expose au grand jour les pratiques discriminatoires du géant californien. Un procès pour redéfinir les rapports de force entre l’Afrique et les GAFAM.

Une bataille judiciaire sans précédent se joue actuellement entre les tribunaux américains, tunisiens et français. Au cœur de cette confrontation : Lotfi Bel Hadj, entrepreneur franco-tunisien et pionnier de l’influence digitale en Afrique, qui ose défier Meta (ex-Facebook) sur son propre terrain. Cette affaire soulève des questions fondamentales sur la souveraineté numérique africaine et les pratiques discriminatoires des géants de la tech.

La suppression brutale de 2020 : un « Carthage » numérique

En juin 2020, Meta a procédé à ce que beaucoup considèrent comme une exécution numérique : la suppression instantanée de plus de 900 actifs digitaux liés à UReputation, l’agence fondée par Lotfi Bel Hadj. Pages, groupes, comptes Instagram – tout un écosystème numérique construit pendant des années s’est évaporé en un clic, sans préavis ni possibilité de défense.

Cette action s’appuyait sur un rapport du think tank Atlantic Council intitulé « Operation Carthage » – un nom qui n’est pas sans rappeler la destruction historique de la cité africaine par Rome. Le document, signé par Andy Carvin et Frederik Kempe, accusait UReputation de « comportements inauthentiques coordonnés« , une formulation vague devenue l’arme favorite de Meta pour éliminer ses concurrents non-occidentaux.

Une riposte judiciaire historique sur trois continents

Face à cette agression numérique, Lotfi Bel Hadj a choisi de riposter avec une stratégie juridique inédite :

  • Aux États-Unis : frapper au cœur de l’empire digital. La plainte déposée devant la Superior Court of Fulton County en Géorgie, menée par maître Daniel Delnero, exige de Meta la production de tous les documents internes ayant conduit à cette décision. Une demande de transparence qui fait trembler le géant californien, peu habitué à rendre des comptes sur ses pratiques en Afrique.
  • En Tunisie : une première victoire symbolique. Représenté par maître Mabrouk Maddouri, Bel Hadj a réussi l’impensable : contraindre Meta à se présenter devant un tribunal africain. Un précédent historique qui pourrait inspirer d’autres pays du continent à exiger des comptes aux GAFAM.
  • En France : le bouclier européen du RGPD. Avec l’avocat Jean-Baptiste Soufron, une plainte acceptée par la CNIL vise les violations du règlement européen sur la protection des données, ajoutant une dimension supplémentaire à cette bataille multifronts.

Le deux poids, deux mesures de Meta exposé au grand jour

L’affaire révèle une réalité troublante : quand Donald Trump a vu ses comptes suspendus, Meta a rapidement reconnu ses excès et engagé des discussions sur d’éventuelles compensations. Mais quand il s’agit d’acteurs africains – qu’ils soient au Nigeria, en Éthiopie ou en RDC – les suppressions massives se font sans explication, sans recours, sans indemnisation.

« Il ne s’agit pas de dénoncer, mais d’agir. L’Afrique doit faire valoir son droit inaliénable à la justice numérique« , déclare Lotfi Bel Hadj, déterminé à briser ce cycle d’impunité.

Cette affaire intervient à un moment crucial. L’Union africaine travaille à l’élaboration d’un cadre commun pour la protection des données et la régulation numérique. La démarche de Bel Hadj pourrait catalyser ce processus en démontrant qu’il est possible de tenir tête aux géants du numérique.

Pour la première fois, un entrepreneur africain refuse le rôle de victime silencieuse. Il transforme son préjudice personnel en combat collectif pour la dignité numérique du continent. Son message est clair : l’Afrique n’est pas une terra nullius digitale où les algorithmes californiens peuvent s’exercer sans contrainte.

L’héritage d’un combat nécessaire

Que l’on apprécie ou non les méthodes de Lotfi Bel Hadj dans le domaine de l’influence digitale, force est de reconnaître le courage de sa démarche actuelle. En portant ce combat sur plusieurs fronts juridiques, il ouvre une brèche dans le mur d’impunité dont bénéficient les GAFAM en Afrique.

Cette affaire marque le début d’une nouvelle ère où les acteurs africains du numérique ne se contentent plus de subir les décisions arbitraires des plateformes américaines. Elle pose une question fondamentale : dans un monde où l’information est devenue la principale richesse, qui a le droit de décider ce qui est « authentique » ou non ? Et surtout, pourquoi cette décision devrait-elle être monopolisée par quelques entreprises californiennes hors d’un cadre juridique ?

L’issue de ces procédures judiciaires sera suivie de près, non seulement par les professionnels du numérique africain, mais par tous ceux qui croient qu’un internet plus équitable est possible. Car au-delà du cas personnel de Lotfi Bel Hadj, c’est bien l’avenir de la souveraineté numérique africaine qui se joue dans ces prétoires.

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
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