
La Cour suprême de Mauritanie a confirmé mardi 4 novembre la condamnation de l’ancien chef d’État pour enrichissement illicite et abus de pouvoir. Cette décision clôt le « Dossier de la Décennie » et marque la chute spectaculaire de celui qui dirigea le pays d’une main de fer pendant plus de dix ans.
La plus haute juridiction mauritanienne a validé la peine de 15 ans de prison ferme infligée à Mohamed Ould Abdel Aziz, 69 ans, pour enrichissement illicite et trafic d’influence. Cette décision sans appel fait de l’ancien général l’un des rares dirigeants africains condamnés pour corruption financière plutôt que pour crimes de sang.
Une escalade judiciaire implacable
Le parcours judiciaire d’Aziz illustre la détermination de la justice mauritanienne. Initialement condamné à cinq ans de prison en décembre 2023, l’ancien président avait vu sa peine portée à quinze ans en mai 2025 par la cour d’appel, qui estimait qu’il avait profité de ses fonctions pour bâtir une fortune considérable. Les enquêtes ont révélé que l’ancien chef d’État avait accumulé des actifs d’une valeur de 70 millions de dollars par des moyens illicites pendant sa présidence.
Le verdict touche également plusieurs coaccusés, dont son gendre Mohamed Ould Imsbou et l’homme d’affaires Ahmed Ould Boubatt, dans cette affaire baptisée le « Dossier de la Décennie« . La Cour a même augmenté les dédommagements accordés à la partie civile et confirmé la confiscation des biens ainsi que la privation des droits civiques.
La rupture avec son successeur et ancien allié
Mohamed Ould Abdel Aziz, architecte des coups d’État de 2005 contre Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya et de 2008 contre Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, avait dirigé la Mauritanie de 2008 à 2019. Sa chute spectaculaire intervient sous la présidence de son ancien compagnon d’armes Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani.
Ghazouani, qui fut son partenaire dans le putsch de 2008, son chef d’état-major puis son ministre de la Défense, a pris ses distances après la passation de pouvoir. Cette rupture entre les deux hommes a permis à la justice d’agir sans entraves politiques. Détenu depuis janvier 2023, Aziz voit ainsi se refermer l’un des procès les plus emblématiques de la lutte anticorruption en Mauritanie.
Cette condamnation historique envoie un signal sur le continent africain, où l’impunité des dirigeants reste souvent la règle. Pour la Mauritanie, pays longtemps rythmé par les coups d’État, ce verdict pourrait marquer le début d’une nouvelle ère de responsabilité politique et judiciaire.



