
À Maurice, une affaire de détournement de fonds au sein de la police fait scandale. Des millions de roupies, censés récompenser des informateurs, auraient été redistribués à des proches ou fictivement encaissés, sur fond de campagne électorale. Arrestations, soupçons de blanchiment et silence administratif : l’affaire ébranle l’intégrité des institutions.
Depuis plusieurs semaines, les arrestations s’enchaînent, mettant en cause des officiers de haut rang dans un système opaque qui aurait permis le détournement de millions de roupies. L’affaire, désormais entre les mains de la Financial Crimes Commission (FCC), prend une tournure à la fois judiciaire et politique.
Un système de primes sous haute tension
À l’origine, ces primes étaient censées récompenser les informateurs contribuant aux enquêtes, notamment dans la lutte contre le trafic de drogue. Mais l’analyse des transferts financiers entre 2020 et 2025 révèle des anomalies criantes. Si les montants attribués aux policiers sont restés faibles, ceux versés aux informateurs ont explosé, notamment à l’approche des élections législatives de novembre 2024. Plus de 50 millions de roupies ont été distribuées en à peine deux mois, sans trace de justification administrative.
L’enquête menée par la FCC a déjà conduit à l’arrestation de plusieurs policiers, dont deux assistants commissaires et un sergent. Leurs comptes bancaires affichent des montants incompatibles avec leurs revenus. L’un d’eux détenait plus de 360 000 euros sur un compte personnel. Un autre aurait attribué trois millions de roupies à un « faux » informateur. Quant à l’ancien chef de l’unité antiterroriste, il est suspecté d’avoir blanchi des sommes importantes avec la complicité de son épouse. À mesure que l’enquête progresse, c’est toute une chaîne hiérarchique qui semble être compromise.
Des primes utilisées à des fins politiques ?
Au Parlement, le Premier ministre Navin Ramgoolam n’a pas mâché ses mots. Il a pointé du doigt l’absence totale de contrôle et la coïncidence troublante entre l’augmentation des versements et la période électorale. Des sommes largement supérieures aux montants initialement prévus ont été déboursées, en violation manifeste des règles de gestion financière. « Nous pouvons tous deviner pourquoi cette soudaine générosité », a-t-il ironisé, laissant entendre une instrumentalisation politique des fonds.
Au-delà du scandale financier, l’affaire fragilise l’image de la police mauricienne, déjà éprouvée par plusieurs controverses ces dernières années. La confiance du public est mise à rude épreuve. Comment expliquer que de telles dérives aient pu se produire pendant plusieurs années sans alerter les contrôleurs financiers ? Qui était chargé de superviser le système des primes ? Autant de questions qui restent sans réponse, et qui risquent d’éclabousser d’autres sphères de l’administration publique.