
Le Global Financial Centres Index 38 a provoqué un choc au Maroc : pour la première fois depuis 2016, Casablanca Finance City perd sa couronne de premier centre financier africain au profit de Maurice. Cette ascension spectaculaire de l’île de l’océan Indien, portée par son excellence en FinTech et sa position stratégique entre trois continents, redessine la carte de la finance africaine et ouvre une nouvelle ère de compétition constructive pour le leadership continental.
Un changement historique vient de s’opérer dans le paysage financier africain. Selon la 38e édition du Global Financial Centres Index (GFCI), le Mauritius International Financial Centre (MIFC) a dépassé Casablanca Finance City (CFC) pour devenir le centre financier le plus compétitif du continent. C’est la première fois depuis 2016, année où Casablanca avait détrôné Johannesburg, que le leadership marocain est remis en question.
Le centre financier mauricien occupe désormais la 52e place mondiale, grimpant de six positions par rapport au GFCI 37 publié en mars 2025. Plus significatif encore, Maurice se positionne maintenant au troisième rang de la région Moyen-Orient et Afrique, ne cédant le pas qu’à Dubaï et Abu Dhabi, et devançant pour la première fois Casablanca qui maintient sa 56e place mondiale.
Cette performance remarquable couronne une progression constante observée depuis plusieurs années. Dans le GFCI 34 de septembre 2023, Maurice occupait la 68e place mondiale et la 5e position en Afrique. Un an plus tard, l’île était remontée à la 60e place mondiale, avant de poursuivre son ascension fulgurante.
Les clés du succès mauricien
Une révolution FinTech sans précédent. En effet, l’un des facteurs décisifs de cette montée en puissance réside dans la transformation numérique spectaculaire de Maurice. Dans le classement FinTech du GFCI 37, l’île avait déjà impressionné avec un bond de 21 places pour atteindre le 53e rang mondial, avec un score de 668 points – une progression de 34 points par rapport à l’édition précédente.
Cette excellence technologique ne s’est pas construite par hasard. Maurice a méthodiquement développé un écosystème favorable à l’innovation, comprenant :
- Le Mauritius Research and Innovation Council
- Le FinTech Innovation Lab
- L’introduction de produits financiers innovants comme la licence Variable Capital Company (VCC)
- La licence Virtual Asset and Initial Token Offerings (VAITOS)
Stratégiquement située entre l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie et l’Australie, Maurice s’est imposée comme une porte d’entrée privilégiée vers le continent africain. L’île bénéficie de 46 accords de non-double imposition avec des marchés clés mondiaux, créant un environnement fiscal attractif pour les investisseurs internationaux.
L’adhésion à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) a encore renforcé cette attractivité, avec la suppression de 90% des droits de douane sur les biens échangés, encourageant l’implantation de multinationales utilisant Maurice comme base pour leurs opérations africaines.
Le centre financier international contribue désormais à hauteur de 8% au PIB national mauricien, témoignant de son importance cruciale pour l’économie insulaire. Cette performance économique s’appuie sur un écosystème comprenant des centaines d’entreprises membres, incluant des institutions financières, des sièges régionaux de multinationales, des fonds d’investissement et des sociétés de gestion de patrimoine.
Casablanca : La fin d’une hégémonie de neuf ans
Pour Casablanca Finance City, cette perte du leadership africain marque la fin d’une période de domination qui avait débuté en 2016, lorsque le centre marocain avait détrôné Johannesburg. Pendant près d’une décennie, CFC avait su maintenir sa position de leader continental, s’appuyant sur plusieurs atouts structurels.
Malgré la perte de sa première place africaine, Casablanca conserve des atouts importants :
- Une position géographique stratégique : À la croisée de l’Europe et de l’Afrique, Casablanca reste un pont naturel pour les investissements vers l’Afrique du Nord et de l’Ouest.
- Un écosystème mature : Avec plus de 200 entreprises membres opérant dans plus de 70 pays, CFC dispose d’une base solide et diversifiée.
- Une reconnaissance internationale : La présidence de la Global Financial Centres Alliance (GFCA) par CFC à partir de janvier 2025 pour deux ans offre une plateforme unique pour renforcer son influence.
- Un cadre réglementaire assaini : La sortie du Maroc de la liste grise du GAFI en mars 2023 a renforcé la crédibilité du centre.
La stagnation relative de Casablanca dans le classement mondial (56e place) alors que Maurice progresse rapidement soulève néanmoins des questions sur la capacité d’innovation et d’adaptation du centre marocain. Le retard pris dans le domaine FinTech, où le Maroc n’occupe que la 69e place mondiale contre la 53e pour Maurice, illustre les défis technologiques à relever.
Le reste du continent : Entre progression et stagnation
Kigali, au Rwanda, continue sa progression remarquable, grimpant de sept places pour atteindre le 65e rang mondial dans le GFCI 38. Cette ascension reflète les réformes économiques ambitieuses et la stabilité politique du pays, positionnant Kigali comme un futur acteur majeur de la finance est-africaine.
Johannesburg et Cape Town, autrefois dominants, peinent à retrouver leur lustre d’antan. Johannesburg occupe désormais la 94e place mondiale, tandis que Cape Town se situe au 92e rang. La mise sur liste grise du GAFI de l’Afrique du Sud continue de peser sur la réputation de ses centres financiers.
Lagos, représentant l’Afrique de l’Ouest, ferme la marche au 119e rang mondial, illustrant les défis considérables auxquels font face les centres financiers de cette région en matière d’infrastructures, de gouvernance et de stabilité réglementaire.
L’initiative de l’Africa Roundtable, réunissant Nigeria, Maroc, Rwanda et Maurice au sein de l’Alliance Mondiale des Centres Financiers Internationaux (WAIFC), prend une nouvelle dimension avec ce changement de leadership. Cette collaboration vise à améliorer la compétitivité collective des centres africains, partager les meilleures pratiques et plaider pour une coordination réglementaire.
Cette approche collaborative pourrait transformer la rivalité Maurice-Casablanca en une dynamique de coopétition bénéfique, où les tous les centres travailleraient ensemble pour attirer davantage d’investissements vers l’Afrique tout en maintenant une saine émulation.
La complémentarité géographique des deux premiers centres – Maurice dominant l’océan Indien et l’Afrique orientale, Casablanca restant la porte d’entrée vers l’Afrique du Nord et de l’Ouest – est une base pour une synergie puissante pour l’ensemble du continent.