Marie Munza : « Je veux donner à voir une héroïne noire qui incarne pleinement la modernité »


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Marie Munza portrait
Marie Munza portrait

Après le succès du premier tome de « Black in the City », Marie Munza poursuit l’odyssée parisienne d’Amanda Parks dans un deuxième volet où l’entrepreneuriat devient un outil d’émancipation. Entre Brazzaville, Bordeaux et Paris, l’auteure puise dans son propre parcours pour construire une héroïne noire moderne, loin des stéréotypes. De la poésie au roman sociétal, elle nous livre les clés de son univers littéraire et de son ambition : offrir enfin des modèles d’identification à une génération en quête de représentation.

Amanda Parks entre Paris et ses origines : comment votre propre parcours entre Brazzaville et Bordeaux nourrit-il la construction de ce personnage ?

Marie Murza 2
Marie Murza 2

Marie Munza : Mon parcours est marqué par une tension féconde entre deux pôles identitaires : Brazzaville ville dans laquelle je suis née, terre de mes origines et de ma mémoire familiale, et Bordeaux, ville de mon enfance, et Paris la ville de ma construction intellectuelle et sociale et de femme. Cet aller-retour constant entre un héritage qui m’ancre et un environnement qui m’a façonnée résonne directement dans le personnage d’Amanda Parks.

Comme elle, j’ai appris à naviguer entre deux univers parfois perçus comme contradictoires, mais que je choisis de considérer comme complémentaires. Ce vécu m’a donné le goût de l’équilibre fragile, mais aussi de la créativité que suppose une identité en mouvement. Amanda est l’incarnation de cette double appartenance : elle porte ses racines avec fierté tout en affirmant son droit à inventer son propre avenir. En l’écrivant, je transmets ma propre quête d’harmonie entre transmission et émancipation.

Dans ce deuxième tome, vous faites de l’entrepreneuriat un “moteur d’émancipation” pour Amanda. Pourquoi avoir choisi cette voie plutôt que d’autres formes de réussite sociale ?

Couverture Black in the City – Tome II _ Hello Editions
Couverture Black in the City – Tome II _ Hello Editions

Marie Munza : J’ai choisi de mettre en avant l’entrepreneuriat parce qu’il symbolise à mes yeux une forme de liberté essentielle : celle de créer ses propres cadres, plutôt que de se limiter à ceux imposés par la société. Dans le cas d’Amanda, entreprendre n’est pas seulement un choix professionnel : c’est un geste politique et intime.

Pour une femme noire évoluant dans un contexte où les stéréotypes persistent, l’entrepreneuriat devient un outil de résistance et d’affirmation de soi. C’est une manière de montrer qu’il existe d’autres chemins vers la réussite que l’intégration dans des structures héritées, souvent marquées par des logiques d’exclusion. Amanda décide d’ouvrir ses propres portes, de tracer une voie qui lui ressemble. Ce choix traduit mon désir de représenter des trajectoires où l’inventivité, l’audace et la capacité à se réinventer deviennent des leviers d’émancipation sociale et personnelle.

Vous évoquez l’absence d’“héroïnes noires, modernes et ancrées dans la société française” dans la littérature contemporaine. Quelles ont été vos références littéraires pour construire Amanda, et quels auteurs vous inspirent ?

Marie Munza : En grandissant, j’ai souffert de l’absence de personnages qui me ressemblaient dans la littérature française. Ce manque a agi comme un moteur : il m’a donné envie de combler ce vide en créant Amanda Parks. Pour construire ce personnage, je me suis nourrie de modèles venus d’ailleurs : Chimamanda Ngozi Adichie, par exemple, m’inspire par sa capacité à relier l’intime au politique, à faire dialoguer la sphère personnelle et les grandes questions sociales. Maya Angelou, quant à elle, m’accompagne par la force de sa parole, par son audace à transformer sa vie en message universel. En France, j’admire profondément Léonora Miano, qui a ouvert la voie en inscrivant les trajectoires afro-descendantes dans un paysage littéraire longtemps frileux à ces représentations. Amanda est née dans ce sillage : elle est un hommage à ces voix puissantes, mais aussi une tentative d’inscrire une héroïne noire dans le présent français, au cœur de sa modernité.

Entre votre recueil de poésie “Motéma” et la série “Black in the City”, on observe une évolution du style poétique vers le roman sociétal. Comment s’articule cette transition dans votre parcours d’écriture ?

Marie Munza : La poésie a été mon premier refuge, mon premier territoire d’expression. Avec Motéma, j’ai appris à donner une forme aux émotions brutes, aux blessures intimes, aux éclats de joie. La poésie m’a enseigné la précision du mot juste, la musique de la phrase, la force de l’image. Passer au roman a représenté une ouverture : tout en gardant cette sensibilité poétique, j’ai eu envie d’élargir le champ, d’explorer les dynamiques collectives, les rapports de pouvoir, les questionnements sociétaux. Le roman m’offre un espace narratif plus ample, où les destins individuels rencontrent les enjeux de la société contemporaine. Mais la poésie n’a jamais disparu : elle irrigue toujours mon écriture romanesque, dans les rythmes, les respirations, les métaphores. Cette transition n’a pas été une rupture, mais une continuité naturelle : j’ai simplement trouvé une nouvelle forme pour dire la même quête de vérité, de beauté et d’authenticité.

Vous avez l’ambition d’être distinguée par un prix littéraire de la presse féminine. Au-delà de la reconnaissance, quel message souhaitez-vous faire passer à travers cette série, et quel impact espérez-vous avoir sur vos lecteurs ?

Marie Munza : Bien sûr, une reconnaissance littéraire a sa valeur, mais ce qui m’anime avant tout, c’est le message que je souhaite transmettre. À travers Amanda, je veux donner à voir une héroïne noire qui ne soit pas cantonnée à la marge, mais qui incarne pleinement la modernité, l’ambition et la résilience. Mon objectif est de dire à chaque lecteur et lectrice : vos rêves sont légitimes, même lorsqu’ils ne correspondent pas aux modèles dominants.

Avec Black in the City, j’invite à l’audace, à la réinvention, à l’affirmation de soi. Si mes livres permettent d’inspirer une jeune femme qui hésite à se lancer, d’ouvrir le regard d’un lecteur sur une réalité qu’il ne connaissait pas, ou simplement de donner un miroir à celles et ceux qui se sentent invisibilisés, alors j’aurai atteint l’essentiel. Mon ambition est de participer, à ma manière, à une littérature qui élargit l’horizon des possibles et qui redonne à chacun la liberté de s’inventer.

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Zainab Musa
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Zainab Musa est une journaliste collaborant avec afrik.com, spécialisée dans l'actualité politique, économique et sociale du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest. À travers ses enquêtes approfondies et ses analyses percutantes, elle met en lumière des sujets sensibles tels que la corruption, les tensions géopolitiques, les enjeux environnementaux et les défis de la transition énergétique. Ses articles traitent également des évolutions sociétales et culturelles, notamment à travers des reportages sur les figures influentes du Maroc et de l’Algérie. Son approche rigoureuse et son regard critique font d’elle une voix incontournable du journalisme africain francophone.
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