Manifestation interdite à Cotonou : Confrontation entre syndicats et police sur fond de crise économique


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Le SG de la CSA-Bénin, Anselme Amoussou
Le SG de la CSA-Bénin, Anselme Amoussou

Ce samedi, trois centrales syndicales ont donné rendez-vous aux travailleurs et aux populations béninoises, dans les rues de Cotonou. L’objectif était de marcher pour protester contre la forte inflation et la hausse des prix des produits de première nécessité. Mais, la manifestation n’a pu avoir lieu puisque la police, dépêchée sur les principaux axes de l’itinéraire de la marche, l’a tout simplement empêchée.

Depuis quelques jours, trois centrales syndicales – la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (CSA-Bénin), la Confédération générale des travailleurs du Bénin (CGTB) et l’Union nationale des syndicats des travailleurs du Bénin (UNSTB) – ont annoncé l’organisation d’une marche pacifique, ce samedi, pour protester contre la flambée des prix des produits de première nécessité et la cherté de la vie en général. Avant le rassemblement fixé à 7 heures du matin, la police était déjà dépêchée sur les principaux points de regroupement des marcheurs. Ainsi, les voies d’accès à la Bourse du travail, point de départ de la marche, étaient bloquées. Le dispositif policier était également déployé le long de l’itinéraire annoncé par les organisateurs de la marche.

Des arrestations de syndicalistes

Alors que les manifestants commençaient à se regrouper, la police a utilisé des gaz lacrymogènes pour les disperser et a procédé à plusieurs arrestations, dont celles de figures syndicales de premier plan. Selon les informations recueillies, il s’agit notamment du secrétaire général de la CSA-Bénin, Anselme Amoussou, et de son collègue de la CGTB, Moudassirou Bachabi. En dehors de ces deux hauts responsables syndicaux, des manifestants auraient été également interpellés et conduits au commissariat central de Cotonou.

Au-delà de la cherté de la vie, les marcheurs voulaient aussi protester contre les violences policières ayant récemment émaillé la lutte contre les infractions au Code de la route lancée depuis le 1er mars 2024. La hiérarchisation des salaires des travailleurs des secteurs parapublic et privé faisait aussi partie des revendications inscrites à l’ordre du jour de la marche.

Le bras de fer était prévisible

Le scénario de ce matin avec l’intervention de la police était prévisible. Ceci parce que jeudi dernier, le préfet du Littoral, département-ville de Cotonou, avait publié un communiqué dans lequel il appelait les organisateurs de la marche à se conformer à la procédure légale en la matière. Selon le préfet, les centrales syndicales lui ont adressé un courrier avec pour objet « déclaration de marche publique pacifique », au lieu d’une demande d’autorisation en bonne et due forme. Ce qui sous-entendait que les responsables syndicaux ne s’étaient pas pliés à la procédure normale.

Les syndicalistes, pour leur part, ont remis en cause les déclarations de l’autorité préfectorale. Contacté par les confrères du journal local Le matinal, Anselme Amoussou, secrétaire général de la CSA-Bénin, a été formel : « Toutes les formalités requises ont été déjà faites. Il n’y en a plus d’autres. On s’attendait à ça (le communiqué du préfet, ndlr) », a-t-il confié au journal. Par conséquent, la marche a été maintenue par les leaders syndicaux.

La tentative du gouvernement de désamorcer la manifestation en amont

La marche a été maintenue même après la rencontre initiée, mercredi dernier, par le gouvernement pour tenter de désamorcer l’initiative. En effet, le ministre d’État en charge du Développement et de la Coordination de l’action gouvernementale, Abdoulaye Bio Tchané, a initié une rencontre pour tenter de nouer le dialogue avec les leaders syndicaux. Il avait à ses côtés trois autres membres du gouvernement. Il s’agit de : Adidjathou Mathys, ministre du Travail et de la Fonction publique ; Alimatou Shadiya Assouman, ministre de l’Industrie et du Commerce et Yvon Détchénou, ministre de la Justice et de la Législation.

Au cours de cette séance, les membres du gouvernement ont exposé aux syndicalistes les actions menées par l’Exécutif pour lutter contre la cherté de la vie. Sur les autres points faisant objet de revendications des syndicats, l’équipe gouvernementale s’était engagée à ouvrir les négociations. Bien qu’ayant apprécié à sa juste valeur l’initiative du gouvernement, les leaders syndicaux ont estimé qu’ils devaient maintenir la marche annoncée.

L’issue de cette journée augure d’une période de négociations tendues, où les revendications sociales et économiques continueront de dominer l’agenda public.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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