Lutte contre le non-port de casque au Bénin : la fausse note !


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Alassane Seidou, ministre béninois de l'Intérieur
Alassane Seidou, ministre béninois de l'Intérieur

Au Bénin, la police républicaine a lancé, depuis le 1er mars 2024, une vaste opération de répression des infractions au Code de la route. Au nombre de ces infractions, il y a le non-port de casques par les deux passagers des motocyclettes. Quelques jours après le début de la répression, alors que les usagers de la route ont commencé par se conformer aux prescriptions, le ministre de l’intérieur fait une annonce qui suscite beaucoup d’inquiétudes dans le rang des populations.

Depuis le 1er mars 2024, au Bénin, la Direction générale de la police républicaine (DGPR) a lancé une vaste opération de lutte contre le non-respect des prescriptions du Code de la route sur toute l’étendue du territoire national.

Mettre fin à l’incivisme sur les axes routiers

Cette phase répressive fait suite à quelques semaines de sensibilisation des usagers de la route. Elle vise les infractions comme : le défaut d’éclairage, de permis de conduire, d’assurance, de visite technique, l’usure des pneus, l’usage du téléphone au volant ou au guidon, l’excès de vitesse, le non-port du casque (aussi bien par le conducteur que par le passager) et le non-respect des couloirs de circulation, etc.. L’opération qui n’est pas une mauvaise chose, puisque susceptible de réduire sensiblement le taux des accidents de la circulation et renforcer ainsi la sécurité sur les axes routiers béninois, n’est tout de même pas sans susciter assez de remous au sein d’une population habituée à l’incivisme sur les axes routiers.

Néanmoins, la police républicaine ne s’est pas laissée démonter, arraisonnant chaque jour plusieurs centaines de motocyclettes sans compter les véhicules à 4 roues dans différentes villes du pays comme Porto-Novo, Cotonou ou encore Abomey-Calavi. Depuis l’ouverture de cette phase répressive, il est de plus en plus aisé de voir les deux passagers des motocyclettes avec leurs casques bien vissés sur la tête. Il y a tout juste quelques jours, seul le conducteur principal se voyait obligé de porter un casque. Les mauvaises habitudes ont ainsi commencé par reculer.

L’annonce du ministre de l’Intérieur qui suscite des inquiétudes

Dans ces conditions, une annonce faite par le ministre béninois de l’Intérieur, Dr Alassane Seidou, cette semaine, soit quelques jours seulement après le lancement de la phase de répression, soulève des interrogations dans le rang des populations et des usagers de la route. En effet, le mardi 5 mars 2024, à l’occasion d’une visite de Jean Todt, envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU, chargé de la sécurité routière, Alassane Seidou s’est d’abord réjoui des avancées notées dans l’usage du casque par les motocyclistes : « Tous les citoyens doivent avoir leurs casques. Ça commence à entrer dans les habitudes », a-t-il souligné. Avant de faire une annonce : « En ce qui concerne la répression des casques, je crois que désormais, nous allons passer à l’étape supérieure, c’est-à-dire la qualité des casques ».

Que faut-il comprendre de cette affirmation du premier responsable de la sécurité au Bénin ? C’est dire que dans les jours à venir, il ne suffira plus pour les motocyclistes de porter un casque, mais encore faudra-t-il que ce dernier soit homologué. Là encore, la décision est louable. Seulement qu’elle vient au mauvais moment. Une telle décision aurait dû être prise et les casques homologués disponibles sur le marché avant le passage à la répression. Or la répression a été lancée, obligeant les populations à se procurer vaille que vaille les casques disponibles sur le marché. Des casques achetés dans un contexte de surenchères, puisqu’avec le début de la répression, des casques normalement vendus à 5 000 F CFA ont vu leur prix grimper à 7 000 F CFA, voire 8 000 F CFA.

Les questions essentielles auxquelles le ministre doit répondre

Que feront les populations de ces casques déjà acquis et qui n’ont pas pu entrer sur le territoire et se commercialiser sans l’autorisation du gouvernement, au cas où ils seraient déclarés non homologués ? Pourquoi n’avoir pas reporté la répression du non-port de casque comme la police a eu l’intelligence de le faire pour l’immatriculation des motocyclettes quand elle s’est aperçue que toutes les conditions n’étaient pas réunies pour réprimer dans ce cas ?

Voilà des questions essentielles auxquelles le ministre béninois de l’Intérieur, Dr Alassane Seidou, et le Directeur général de la police républicaine, l’inspecteur général Soumaila Yaya, devront répondre clairement avant de passer à l’étape supérieure annoncée. S’ils ne veulent pas eux-mêmes ternir l’opération de salut public qu’ils ont enclenchée. « Gouverner, c’est prévoir », dit l’adage.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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