
Incarcéré pour avoir critiqué la junte au pouvoir, Mamadou Traoré, figure montante de l’opposition malienne, sera jugé le 12 juin pour « diffusion de fausses informations ». Un procès hautement symbolique dans un Mali où la parole politique est de plus en plus surveillée, et où l’étau judiciaire se resserre sur les opposants.
Au Mali, le climat politique se durcit à mesure que les voix dissidentes se font entendre. Mamadou Traoré, figure de l’opposition et président du parti Alternative pour le Mali, a été placé en détention provisoire après avoir critiqué ouvertement la junte au pouvoir. Il sera jugé le 12 juin pour « atteinte au crédit de l’État » et « diffusion de fausses informations ». Un nouvel épisode qui illustre la dérive autoritaire du régime malien depuis les coups d’État de 2020 et 2021.
Des propos jugés subversifs par la junte
L’affaire a éclaté après une interview diffusée en ligne le 22 avril, dans laquelle Mamadou Traoré accuse les autorités militaires de rémunérer des mercenaires avec les impôts des Maliens. Il y dénonce également les membres du Conseil national de transition, qu’il accuse de privilégier leurs intérêts personnels au détriment du pays. Poussant plus loin sa critique, il remet en question la légitimité du référendum constitutionnel de 2023 et appelle les militaires à quitter l’uniforme pour descendre dans l’arène politique. Ces propos lui valent d’être poursuivi par le pôle judiciaire anti-cybercriminalité, redouté pour son zèle à étouffer les voix critiques.
Mamadou Traoré n’en est pas à son premier démêlé avec la justice sous la transition militaire. En 2024, il avait déjà été emprisonné pendant plusieurs mois, avec d’autres figures politiques, pour « complot contre les autorités légales ». Aujourd’hui, sa nouvelle arrestation, suivie d’un mandat de dépôt, s’inscrit dans une stratégie de musellement de l’opposition. Le 9 mai, une manifestation est d’ailleurs prévue à Bamako pour dénoncer la dissolution programmée des partis politiques et exiger le retour à l’ordre constitutionnel. Traoré, surnommé « le Roi » par ses partisans, ne pourra y participer depuis sa cellule de Dioïla, à 160 km de la capitale.
Un pouvoir militaire sous pression internationale
Depuis sa prise de pouvoir, la junte malienne s’est engagée à organiser une transition démocratique. Mais les promesses faites pour mars 2024 n’ont jamais été tenues, et aucune nouvelle échéance n’a été fixée. Cette absence de perspective politique renforce les tensions internes et alimente les accusations de dérive autoritaire. La répression des médias, la suspension des partis et la multiplication des arrestations préoccupent les défenseurs des droits humains. Des organisations comme Amnesty International, Human Rights Watch et la FIDH dénoncent régulièrement l’étouffement des libertés fondamentales au Mali.
Le cas de Mamadou Traoré n’est pas isolé. Un autre membre de son parti a récemment été condamné à un an de prison pour avoir qualifié les régimes militaires sahéliens de « juntes ». Dans cette dynamique, le pouvoir malien semble avoir opté pour une criminalisation systématique de la parole critique. La procédure judiciaire engagée contre Traoré, sur fond de censure et d’intimidation, témoigne d’un glissement dangereux pour la démocratie malienne. L’opposition reste mobilisée, mais ses marges de manœuvre se réduisent à vue d’œil.