Mali : une raffinerie d’or pour reprendre le contrôle sur une richesse nationale


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Fabrication de lingots d'or
Fabrication de lingots d'or

Le Mali lance la construction de sa première raffinerie d’or à Sénou, un projet stratégique porté par l’État et la société russe Yadran. Avec une capacité annuelle de 200 tonnes, cette infrastructure vise à mieux contrôler la production aurifère nationale, renforcer la traçabilité de l’or artisanal et capter davantage de valeur ajoutée pour l’économie locale.

Le président de la transition malienne, le général d’armée Assimi Goïta, a procédé à la pose de la première pierre de la toute première raffinerie d’or nationale du Mali à Sénou. Ce projet, réalisé en partenariat avec la société russe Yadran, marque la volonté de Bamako de reprendre le contrôle sur l’exploitation de l’une de ses ressources les plus précieuses : l’or. Avec une capacité de traitement de 200 tonnes par an, cette raffinerie dont l’État malien détient 62% du capital, représente bien plus qu’un simple projet industriel. Elle symbolise une tentative de reconquête économique dans un contexte politique et sécuritaire particulièrement tendu.

Réappropriation des ressources minières : une stratégie souverainiste

Selon les autorités maliennes, cette raffinerie vise à renforcer la souveraineté économique du pays en assurant une meilleure traçabilité de la production aurifère, notamment artisanale, souvent échappant aux circuits officiels. Elle répond également aux conclusions des Assises nationales de la refondation, durant lesquelles les citoyens ont clairement exprimé leur volonté de voir les ressources naturelles du pays profiter d’abord aux Maliens. « L’or du Mali doit briller pour les Maliens », a ainsi rappelé Goïta.

La décision de construire cette raffinerie s’inscrit dans une stratégie initiée par les autorités maliennes depuis le début de la transition. À travers la création d’une société d’État pour la richesse et l’exploitation minière, le gouvernement entend renforcer son emprise sur le secteur minier, un pilier de l’économie malienne. Le Président Assimi Goïta a d’ailleurs confirmé que plusieurs contrats miniers avaient été renégociés, jugeant que les anciens accords ne respectaient pas les intérêts du peuple malien.

Un mouvement de fonds sur le continent africain

L’objectif est de capter une plus grande part des revenus issus de l’or, premier produit d’exportation du pays, qui représente plus de 70% des recettes d’exportation. Jusqu’à présent, une part importante des opérations minières — de l’extraction à l’affinage — était assurée par des sociétés étrangères, et une grande partie de la valeur ajoutée échappait à l’économie nationale. Avec cette nouvelle raffinerie, le Mali pourra désormais raffiner localement l’or extrait sur son sol, ce qui permettra d’augmenter les revenus fiscaux, de créer de l’emploi et de dynamiser l’économie locale.

Le Mali n’est pas un cas isolé. Dans plusieurs pays d’Afrique, les autorités cherchent de plus en plus à reprendre le contrôle de leurs ressources minières, longtemps dominées par des intérêts étrangers. Ce « retour de l’État » dans le secteur extractif s’inscrit dans un contexte de changements de régime. En Tanzanie, sous la présidence de feu John Magufuli, le gouvernement avait entamé dès 2017 une offensive contre les multinationales minières, accusées de sous-déclarer les volumes exportés et de priver l’État de recettes importantes.

Le Burkina Faso et la révision du code minier

Le bras de fer avec le géant canadien Barrick Gold avait conduit à la création d’une nouvelle joint-venture dans laquelle la Tanzanie détient désormais une part significative. Cette décision avait été saluée comme un exemple de souveraineté économique. En République Démocratique du Congo, le gouvernement a multiplié les efforts pour mieux encadrer l’exploitation du cobalt, un minerai stratégique pour les batteries électriques.

Kinshasa a imposé des obligations de transformation locale et cherche à créer une chaîne de valeur nationale autour de ce minerai, souvent exporté brut vers la Chine. Au Burkina Faso, autre pays sahélien, le contexte sécuritaire difficile n’a pas empêché le gouvernement de réviser son code minier pour y introduire des dispositions plus favorables à l’État, incluant une participation accrue dans les projets miniers et un meilleur encadrement de l’exploitation artisanale.

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Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
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