Lire en Afrique, le paradoxe malien


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Panorama du livre et de la lecture au Mali. Alors que les auteurs maliens trempent leurs plumes dans le polar, le roman ou la littérature jeunesse, ils peinent encore à trouver leurs lecteurs. Interview.

Au Mali, les écrivains ont investi tous les genres littéraires, des romans policiers en passant par la poésie et les contes pour enfants. Pourtant, les Maliens lisent peu. Selon Fatogoma Diakité, coordonnateur national du projet franco-malien pour la promotion du livre, et Mariam Touré, journaliste spécialisée dans l’édition, il s’agit surtout d’un problème culturel.

Afrik : Quelles sont les tendances de la littérature malienne d’aujourd’hui ?

Fatogoma Diakité : D’Hamadou Hampaté Bâ à Ibrahima Ly, vous avez toutes sortes d’oeuvres majeures. Après une littérature d’engagement contre la colonisation, nos auteurs se sont attachés à décrire la société malienne. Aujourd’hui, de nombreux romans policiers sont publiés, comme celui d’Aïda Mady Diallo, dont l’action se déroule d’abord dans le nord du pays, à Bamako et à Dakar, ou encore Rapt à Bamako, d’Alpha Mandé Diarra.

Afrik : Malgré cette diversité de la production littéraire, les Maliens lisent peu. Pourquoi ?

Fatogoma Diakité : Nous appartenons à une société de l’oralité qui freine un peu la lecture, car tout se dit oralement. Si parents et enseignants ne lisent pas, il est difficile de développer la lecture. Nous devons les sensibiliser à ce problème, et tenter d’installer la culture du livre. Or cela n’est pas dans nos traditions. Il est très rare qu’une personne offre un livre comme cadeau.

Afrik : Compte tenu du faible pouvoir d’achat au Mali, les livres ne sont-ils pas trop chers ?

Fatogoma Diakité : Bien sûr que le livre est cher, mais je préfère nuancer un peu. Il y a des gens qui ont les moyens d’acheter des livres, pourquoi ne le font-ils pas ? Vous allez à un baptême, à un mariage et ils peuvent donner 50 000 F cfa. Si un gosse à la maison n’a pas de livre, ça n’est pas qu’une question de moyens.

Mariam Touré : Ça n’est pas que le livre coûte cher, c’est surtout que les gens n’y voient pas d’intérêt. Les pères de famille pourraient tout à fait acheter un livre à 1000 F cfa pour leurs enfants …. Les parents trouvent cela trop cher, alors qu’ils sont tout à fait disposés à acheter des jouets. C’est vraiment un problème culturel.

Afrik : Par définition, les enseignants ne sont-ils pas en première ligne pour inciter à la lecture ?

Fatogoma Diakité : Nous ne devons pas nous focaliser sur une lecture purement scolaire, car certains élèves peuvent se dire, une fois leurs examens réussis, qu’ils n’ont plus rien à faire avec les livres. La lecture doit devenir une habitude, une permanence. A tout moment, et n’importe où, on doit pouvoir lire. Je vois la chose globalement, je ne veux pas faire la différence entre la lecture scolaire et la lecture en général. Pour moi, développer toute la filière du livre au Mali c’est la raison de notre existence.

Afrik : Quelles sont les principaux axes de travail du programme national pour la lecture ?

Fatogoma Diakité : Nous devons d’abord soutenir nos auteurs. Si nos livres sont écrits par des Maliens, c’est une incitation supplémentaire à la lecture. Nous avons besoin d’une production de qualité, mais aussi de bons éditeurs. Enfin, ces livres doivent se vendre. C’est pour cela que nous soutenons également nos libraires.

Afrik : Quelle est la situation de l’édition ?

Fatogoma Diakité : Nous avons des maisons d’édition comme Le Figuier et Jamana mais comme toutes entreprises, elles connaissent des difficultés. Elles manquent notamment de personnels qualifiés. Or, la question des ressources humaines est fondamentale. C’est la raison pour laquelle notre projet soutient les éditeurs en ce sens. Par exemple, nous devons former les gens à l’illustration, à l’assemblage et mettre en place des comités de lecture.

Afrik : Pouvez-nous nous citer quelques-uns de vos livres préférés ?

Mariam Touré : Je citerais volontiers L’assassin du Banconi de Moussa Konaté, Le lieutenant de Kouta de Massa Makan Diabaté et l’oeuvre d’Adam Ba Konaré.

Fatogoma Diakité : La longue marche des animaux, d’Ousmane Diarra, pour les jeunes.

Photo:

Fatogoma Diakité et Mariam Touré.

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Visiter le site du Centre culturel français de Bamako.

Lire aussi :

L’interview de Moussa Konaté.

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