Les relations tumultueuses du couple Bongo-Sarkozy


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Nicolas Sarkozy, le président français, s’est ému du décès, lundi, de son homologue gabonais. Il a exprimé « beaucoup de tristesse et d’émotion » assurant que la France était « dans cette épreuve aux côtés du Gabon, de ses institutions et de son peuple ». La mort du doyen des chefs africains semble annoncer une nouvelle page de la Françafrique, déjà altérée par les rapports qu’entretenaient Nicolas Sarkozy et Omar Bongo.

« Nicolas Sarkozy tient à les (Gabonais) assurer que la France, fidèle à sa longue relation d’amitié, demeure aux côtés du Gabon, de ses institutions et de son peuple ». Ce vibrant hommage du président français à son homologue gabonais décédé lundi renferme à lui-seul toute la complexité des relations entre la classe politique française et Omar Bongo. Un rapport tumultueux entrecoupé de déclarations d’amitiés poignantes et d’arrangements politiques.

En 41 années de règne, le dirigeant africain a vu défiler tous les chefs d’Etat de la Vème République. Parmi eux, le Général de Gaulle qui lui apporta sa bénédiction lors de son accession au pouvoir; Valéry Giscard d’Estaing qui, ce matin sur la radio Europe 1, déclarait avoir rompu ses liens avec Omar Bongo après avoir appris qu’il avait financé en 1981 la campagne présidentielle de Jacques Chirac; et Nicolas Sarkozy, avec lequel les échanges ont été tantôt chaleureux, tantôt tendus. Depuis quelques mois, la France et le Gabon peinent à s’entendre. Même si la coopération militaire entre les deux pays s’est enrichie de cinq nouvelles conventions dans le domaine de l’aviation légère, de la marine, de la formation ou encore de la santé, certains événements ont fortement mis à mal leurs rapports.

Les accords de coopération

Suite à la plainte déposée par les associations françaises pour « recel de détournement de biens publics », Omar Bongo a menacé de s’en prendre aux intérêts économiques et militaires de la France. En mars dernier, la Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir, a appelé à « réexaminer en profondeur les accords de coopération » avec la France, où, d’après lui, était « orchestré une vaste campagne de déstabilisation entre le Gabon et ses plus hautes autorités ».

Depuis la signature d’un accord de coopération en avril 1983, Paris entretient des relations commerciales privilégiées avec Libreville. La France est le premier fournisseur du Gabon et son deuxième client. Plus de cent cinquante filiales et succursales d’entreprises françaises sont présentes dans le secteur pétrolier avec Total Gabon et minier avec Areva. Le volet militaire est, lui, régi par les accords de défense et de coopération conclus au lendemain de l’indépendance. Il prévoit notamment le pré-positionnement de 800 soldats français au Gabon.

Malgré ces différends, pour des raisons économiques et militaires évidentes, les deux pays n’ont pas mis un terme à leurs accords. A Paris, la relation entretenue avec le pays africain ne semble pas être assumée. Nicolas Sarkozy souffle le chaud et le froid. Il parle de rupture puis se ravise. Pour preuve, avant même son arrivée au pouvoir, le dirigeant français, en déplacement au Bénin, a déclaré, le 19 mai 2006 : « Il nous faut construire une relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé et de ses obsolescences ». Mais ses paroles peinent à être suivies d’actes.

La Françafrique toujours d’actualité

Tout juste élu, Nicolas Sarkozy s’est empressé « de remercier » le dinosaure africain pour « ses conseils » et l’a reçu à l’Elysée. Il a même choisi le Gabon pour clôturer sa tournée africaine en juillet 2007 et défendu, à cette occasion, son allié soupçonné dans l’affaire Elf. « Si à chaque fois qu’il y avait des enquêtes judiciaires, il fallait qu’on arrête nos relations, on ne les aurait pas arrêté simplement du côté africain… », a rétorqué le président français.

Le 15 janvier 2008, Jean-Marie Bockel, alors Secrétaire d’Etat à la Coopération, a rappellé le chef d’Etat à l’ordre en défendant la nécessité de signer « l’acte de décès de la Françafrique ». Résultat, peu de temps après, il a été muté au secrétariat d’Etat des anciens combattants. Plusieurs sources du Quai d’Orsay ont avancé alors que « des pressions notamment venues d’Omar Bongo », étaient à l’origine du départ de Jean-Marie Bockel. Même si le président français a prôné la rupture au début de son mandat, il s’est laissé rattraper par la Françafrique. Un vieille relation que l’Hexagone et le continent noir ont bien du mal à rompre.

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