Les enfants de la télé n’en sont pas encore à la couleur !


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Créé en 1997, le club Averroes défend auprès des décideurs et des institutionnels la diversité en général et fait la promotion des minorités visibles dans les médias français. Il compte 350 adhérents, parmi lesquels de nombreux journalistes et personnalités influentes des médias. Entretien avec Amirouche Laïdi, Président du club Averroes


PBM – Le deuxième rapport du club Averroes vient de sortir. Il dresse un bilan de la diversité dans les médias audiovisuels français. Qu’en est-il de la présence des minorités visibles sur le petit écran ?

Amirouche Laïdi – Dans notre premier rapport remis il y a un an au Président de la République et au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), nous dressions un bilan contrasté de la situation. Certes, il existait alors une certaine dynamique positive, symbolisée par la présence du journaliste Harry Roselmack à la grand-messe du journal de TF1. Mais nous mettions déjà l’accent sur ce qui ressemblait alors à un fragile équilibre. Aujourd’hui, nous constatons une situation figée et une grande absence des minorités visibles devant la caméra, mais également derrière. Et ce, quelle que soit la fonction au sein des chaînes de télévision. Nous tirons donc la sonnette d’alarme dans ce deuxième rapport et rappelons aux grands médias audiovisuels français leurs obligations, notamment celles issues de leur cahier des charges. Quant à leur adhésion à la charte de la diversité*, on peut dire que, dans la pratique, elle n’est qu’un immense leurre.

Comment faire concrètement évoluer les choses sur les grandes chaînes de télévision ?

Amirouche Laïdi – Il faut avancer sur au moins 3 sujets distincts. D’une part, la présence devant les caméras des minorités visibles. Sur ce point, comme je l’ai déjà exprimé, à part de rares exceptions, la situation stagne. Certes le public des émissions se métisse doucement, mais coté animateur ou journaliste, c’est le grand vide. D’autre part, il faut intervenir sur le contenu : parler plus et mieux de la diversité de la France. Je ne comprends pas pourquoi le groupe France Télévisions, qui possède la chaîne France O, est incapable de faire ressortir cette richesse dans son journal télévisé. Enfin, nous nous devons d’ouvrir les rédactions à de nouveaux visages non issus du sérail. Il faut souligner les efforts réalisés par TF1 qui est l’une des rédactions les plus en pointe sur la diversité. La chaîne privée a ouvert des bureaux dans les dom-tom et cherche à maintenir un sentiment de continuité métropolitaine. Pourquoi demain ne pourrions-nous pas voir un reportage sur la rentrée des classes en Corse et sortir du même coup des idées reçues et des reportages mille fois vus sur l’île de beauté ?

Pourquoi est-ce encore si compliqué en 2007 de mettre de la diversité à la télévision ?

Amirouche Laïdi – Malheureusement, ce problème dépasse largement la sphère télévisuelle et concerne la France dans son ensemble. Néanmoins, il faut bien comprendre que pour beaucoup de décideurs, la présence de minorités visibles à l’écran fait baisser l’audience et nuit à l’efficacité du message. Or cela est archi faux. Harry Roselmack réalise les mêmes chiffres que Patrick Poivre d’Arvor au JT de 20h ! Mieux, ouvrir les plateaux à la diversité permettrait à de nouveaux publics de se reconnaître. La diversité n’est pas la cause de quelques uns au service d’une minorité. Nous ne demandons pas un acte de générosité, mais bel et bien une prise de conscience collective. Ce combat est donc celui de tout le monde et la « petite lucarne » se doit de représenter la société française dans son ensemble. Le club Averroes est d’ailleurs à l’origine de la clause de la diversité à la télévision. A l’instar de ce qui se passe dans de nombreux pays nordiques, nous avions demandé qu’au bout de deux manquements à cette clause, le président de la chaîne soit destitué. Cela n’a pas été accepté. Or je crois que c’est avec une telle clause que la situation pourrait vraiment avancer dans le bon sens.
Existe-il des résistances au cœur même des chaînes de télévision ?
Actuellement, quand un poste s’ouvre, les syndicats poussent à recruter au sein du personnel existant (CDD, intérim,…). Ce qui semble logique de prime abord conduit néanmoins à un grand conservatisme : cette cooptation empêche l’arrivée de nouveaux salariés issus de la diversité et, malheureusement, absents aujourd’hui des grandes rédactions. Sur ce point, nous demandons, lors d’une ouverture de poste, l’organisation d’une compétition transparente et ouverte, reposant uniquement sur les compétences.

Les combats du club Averroes ont donc encore un bel avenir ?

Amirouche Laïdi – La lutte pour la promotion de toutes les diversités a probablement un grand avenir devant elle. Paradoxalement, la disparition du club Averroes, par absence de cause, sera un signe de bonne santé de notre société. Tel n’est pas le cas. Pour beaucoup, la diversité n’est toujours pas naturelle. Chaque jour, nous mettons un peu de poil à gratter là où ça coince pour faire avancer la cause de toutes et tous. Sans exception!logo_pbm_150.jpg

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